Le cinéaste indé américain clôt sa trilogie romantique. Sans inspiration et sans grâce.
S’il est une chose qui n’a jamais effrayé Richard Linklater,
c’est l’expérimentation. Toujours avide de nouvelles formes narratives et formelles, le discret parrain du cinéma indépendant américain, sous-estimé en France car finalement peu vu, s’est essayé, entre autres, à la coulée discursive en environnement urbain (le fondateur Slacker, en 1991), au film à très longue échéance (Boyhood, en tournage pointillé depuis 2002), à la rotoscopie (A Scanner Darkly, adapté de Philip K. Dick, en 2006), ou encore à la vraie-fausse reconstitution d’un fait divers (le génial Bernie, 2011, scandaleusement inédit en France).
Dans cette œuvre dédiée aux méandres de la parole et du temps, la série des Before (Sunrise en 1995, Sunset en 2004, Midnight en 2013), qui a pour ambition de suivre la vie d’un couple – du coup de foudre à… la mort ? –, fait figure de vaisseau amiral, sur le pont duquel on poserait les pieds tous les neuf ans, pour prendre des nouvelles de l’équipage. Etrangement, c’est peut-être aussi ce que Linklater a fait de moins stimulant, comme si, pétrifié par l’enjeu, et plus profondément par le poison de la justesse, il faisait tout son possible pour ne pas déborder de la page.
On retrouve Céline et Jesse, l’écolo frenchie et l’écrivain américain, interprétés respectivement par Julie Delpy et Ethan Hawke, désormais âgés de 40 ans, parents de deux petites filles (plus un fils issu d’un premier mariage pour Jesse), en vacances estivales en Grèce. A la croisée des chemins, ils font un examen de conscience, qui vire à la scène de ménage.
Alternant des mises en scène tantôt discrètes (en champ-contrechamp paresseux), tantôt ostentatoires (très longues conversations en plans-séquences), Linklater reste loin de ses modèles supposés : le Bergman de Scènes de la vie conjugale, le Rohmer du Rayon vert ou le Rossellini de Voyage en Italie. Pris en tenaille par des dialogues de bon élève (coécrits par les acteurs), renvoyant chaque personnage dos à dos (le mâle cool mais égoïste face à la femelle dévouée mais hystérique), incapable de provoquer la moindre épiphanie, il en reste au stade du constat, révélé par une vieille sage méditerranéenne : les hommes et les femmes ne s’entendent pas, mais c’est quand même joli de vieillir ensemble.
Certes, mais on est en droit d’attendre autre chose d’un film, et de préférer, sur le même sujet, 40 ans, mode d’emploi de Judd Apatow, moins prétentieux dans sa forme, et beaucoup plus riche.