Un attachant mélodrame signé par une cinéaste culte de l’âge d’or du cinéma hong-kongais.
Issue de la nouvelle vague hong-kongaise du début des années 80,
aux côtés de Tsui Hark et d’Allen Fong, Ann Hui a fait tranquillement sa transition d’un cinéma freestyle vers des films beaucoup plus sobres. La maturité, d’accord, mais non sans qualités.
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Une vie simple retrouve ainsi les vertus de son Song of the Exile (1990, avec Maggie Cheung) : une ligne claire pour tracer, sans pathos, un mélodrame qui aurait été lourdement lacrymogène sous la caméra d’un(e) autre. La retenue d’Hui tient plutôt de la distance, mais avec le regard toujours tendre.
Ici, la cinéaste brode autour de deux personnages : Roger, un producteur de cinéma (Andy Lau), workaholic et célibataire, et Ah Tao (Deannie Yip), sa bonne-nounou-mère-de-substitution qui sert sa famille depuis des décennies. Les deux vivent seuls, ensemble. Lorsque Ah Tao est frappée d’une attaque, et qu’elle choisit de partir en maison de retraite, la relation se transforme. Ou, comme le film, joue avec les évidences.
Oui, Roger va s’occuper d’Ah Tao, mais la pudeur de cette dernière et la personnalité sympathique, bien qu’opaque, de Roger déjouent constamment la culpabilité facile. S’il y a mélodrame, il se déroule de façon organique : cela tient à l’alchimie évidente entre Lau (qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il va contre sa belle gueule de rapace dans les comédies romantiques) et Yip (mère poule qu’on voudrait avoir), qui avaient déjà joué les fils/maman au cinéma.
Mais aussi dans la manière d’aérer le récit par des touches d’humour (le running gag qui infantilise Roger, jamais pris au sérieux comme producteur par les inconnus) et les contrepoints. Ce sont notamment les attachants pensionnaires de la maison de retraite, où Ah Tao passe ses jours, qui n’est pas le mouroir attendu, plutôt un lieu idéal, pas forcément idyllique, pour accueillir en soi le crépuscule. On est content aussi de retrouver, en propriétaire improbable des lieux, le grand Anthony Wong, mythique voyou chez John Woo ou Johnnie To, impeccable de morgue pince-sans-rire.
Hors de cette histoire au détachement joliment triste, la conscience du temps qui passe se mesure à un niveau plus subtil, plus cinéphile ; Roger naviguant dans le milieu du cinéma local, on voit débarquer fugitivement de vrais réalisateurs dans leurs propres rôles : Tsui Hark, Stanley Kwan, Sammo Hung et même un sosie suspect de Wong Kar-wai. Des pros toujours au travail, mais avec leurs années sauvages derrière eux.
Bien sûr, Une vie simple ne les destine pas à l’hospice, mais achève, avec leur présence, un tableau mélancolique total de Hong Kong. De ses habitants, de ses intérieurs et de ceux qui nous l’ont fait aimer à travers les films.
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