L’incroyable mais pourtant réel programme spacial lancé par le Liban dans les années 60, déterré par le couple d’artistes Hadjithomas-Joreige.
Pendant la vision de ce film sur la conquête spatiale libanaise, il arrive que l’on s’interroge. Poisson d’avril ? Documenteur ? Mais non.
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Dans les années 60, le Liban a modestement mais réellement participé à l’aventure de l’espace. Si l’on doute parfois de cette réalité, c’est que Joana Hadjithomas et Khalil Joreige eux-mêmes sont passés par ces doutes.
Au Liban, on ne parle jamais de cet épisode, ni dans les livres d’histoire, ni dans les discours politiques, ni dans les médias.
Au fur et à mesure du tournage, ils ont découvert de plus en plus de documents et d’archives, ils ont rencontré les protagonistes du programme spatial libanais, notamment un petit groupe de scientifiques rêveurs d’origine arménienne.
Ce film revêt une dimension de thriller historique très prenante, mais pas seulement. Lorsque les auteurs reconstituent la période des premiers essais, on croit voir des universitaires qui s’amusent avec des pétards
dans des plantations d’oliviers, séquences qui prennent une dimension artisanale quasi surréaliste, à la lisière du comique. Dans ces moments-là, on ne sait plus trop si on est dans un documentaire sérieux ou un essai-canular pince-sans-rire de Luc Moullet.
Le programme spatial libanais était pourtant réel, contemporain du panarabisme, des révolutions en Europe, aux Etats-Unis et dans ce qu’on appelait à l’époque le tiers-monde. Ere d’utopies, de rêves, de croyances en toutes les transformations possibles, où le monde arabe, synchrone avec le reste de la planète, avait confiance en sa force et en son avenir.
Période que les cinéastes observent non sans une certaine mélancolie (normal, leur point de vue est d’aujourd’hui), d’autant que la fusée made in Liban fut stoppée net dans son élan par le manque de moyens et par de probables pressions géopolitiques.
Hadjithomas et Joreige ne se sont pas contentés d’exhumer un pan très enfoui de l’histoire libanaise et arabe, puis d’en saisir les traces politiques, romanesques et poétiques (“la trace de la trace”, comme ils le disent avec justesse), ils ont prolongé en actes cet esprit créatif des années 60 en faisant bâtir une sculpture-réplique de la fusée et en lui faisant traverser Beyrouth jusqu’à l’université et au musée. Cette performance artistique est incluse dans le film, de même qu’une dernière partie de pure science-fiction animée, rêvant un Liban futuriste qui n’aurait jamais cessé son aventure scientifique.
A la croisée de la mémoire et du contemporain, de l’histoire et du futur, de la réflexion et de l’action, de la mélancolie et de l’optimisme en marche, ce film ne tombe pas par hasard à l’heure des révolutions arabes. A sa modeste échelle, il révolutionne le passé du Liban et réactive la possibilité de projets communs pour un pays si prompt à se déchirer.
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