Idylle trash entre deux ados paumés. Un geste radical d’une cinéaste serbe.
Il n’y a pas de films sur quelque chose. Ou plutôt, dès qu’un film a un sujet totalement exprimable en quelques mots, il devient inutile. A quoi serviraient les arts si les mots pouvaient tout dire ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Voyez Clip, premier long métrage d’une jeune cinéaste serbe : depuis qu’il a circulé dans les festivals (il a été récompensé à Rotterdam), on lit un peu partout dans les comptes rendus qu’il s’agirait d’un film “sur la vie adolescente en Serbie, entre sexe, drogue et alcool” et autres joyeuses généralités promptes à affoler le pékin : “C’est donc ça, la jeunesse serbe ?
C’est la faute à internet et au téléphone portable ! Quand on voit ce à quoi s’adonnent ces jeunes, on frémit pour ses propres enfants !”, etc. Dans le synopsis du dossier de presse, on lit même cette présentation de l’héroïne, Jasna, 16 ans : “Comme les autres jeunes de son âge, ses seules préoccupations sont de faire la fête, de rencontrer des garçons et de se filmer en permanence avec son téléphone portable.” “Comme les autres jeunes de son âge”…
Après ce préambule énervé, venons-en au fait. Heureusement, comme disait l’autre (Sartre), “l’existence précède l’essence”. Clip ne démontre rien d’une population, il ne fait que montrer la quête d’un individu. Jasna, qui vit dans une banlieue et une famille à se flinguer de Belgrade, aime faire la fête avec ses copines, boire beaucoup, se camer à n’importe quoi. Elle tombe amoureuse d’un garçon, Djole. Pour le séduire, elle l’allume, le fait jouir.
Seulement, lui n’en a rien à foutre, de Jasna ni de rien d’autre – Clip est un film punk, qui décrit en boucle, comme le ressassement propre à une névrose, l’absence d’échappée, d’avenir. Jasna est mordue de Djole, lui ne songe qu’à prendre son pied grâce à elle.
Très rude, Maja Milos filme frontalement le corps adonné de Jasna, le sexe en érection de Djole, parfois en caméra subjective, tandis que Jasna s’escrime sur lui. Images trash, moches, désérotisées, images volées qui finiront par circuler sur la toile parce que c’est fait pour ça. Mais nul jugement moral dans ce film behavioriste, à peine fictionnel. Seulement l’addiction d’une fille perdue à un crétin fini et qui croit le tenir par sa queue. Qu’on aime ou pas ce film qui ne cherche pas à plaire, le geste est radical.
{"type":"Banniere-Basse"}