Une actrice, un coup de foudre, une chronique délicate et sensible portée par une Emmanuelle Devos étincelante.
Entre deux représentations de La Dame de la mer d’Ibsen, Alix, comédienne, court après l’argent, après le temps, après l’amour, bref après sa propre identité.
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On reconnaît en elle des personnages déjà croisés dans le cinéma de Jérôme Bonnell, figure discrète mais désormais familière du cinéma français : la sœur paumée et fofolle des Yeux clairs et celle plus borderline encore de La Dame de trèfle. Soit une antihéroïne immature, tragi-comique, qui se débat comme elle peut avec les règles du monde adulte.
Le film entame son grand plongeon dans la folle journée d’Alix en retenant son souffle avec elle, en coulisses, avant son entrée en scène. De sa prestation théâtrale nous ne verrons rien, mais l’art de l’actrice se déploiera autrement, dans les rues de Paris (décor nouveau pour Bonnell jusqu’ici attaché à la province) transformées en un terrain de jeu plus affolant.
Dans sa course, la comédienne déboussolée par un coup de foudre et par un secret bien gardé se prend un poteau en pleine poire. Sur les conseils d’une passante médecin, elle reste quelques minutes la joue bêtement collée contre le métal froid pour éviter que son visage ne gonfle.
Le meilleur du cinéma de Bonnell est dans ces pas de côté clownesques. Dans ces moments-là qui justifient son titre, le film perd de vue l’heure, mais pas le sens du timing pour se laisser porter par le goût du jeu et le talent comique très jouissif d’Emmanuelle Devos, en grande forme.
Les plus beaux films sur les acteurs (To Be or Not To Be de Lubitsch, Opening Night de Cassavetes) sont ceux qui érigent l’improvisation en art de (sur)vivre et ne craignent pas les numéros de haute voltige. Dommage que Bonnell ait le vertige et ne pousse pas plus loin ses décrochages zinzins. Son aventure burlesque se double et s’alourdit hélas d’une autre forme d’aventure, sentimentale, moins folle, plus molle.
La faute en grande partie à un choix de casting très discutable : quelle drôle d’idée d’aller chercher Gabriel Byrne, à peu près aussi expressif et sexy qu’un poisson mort, pour jouer l’amant d’Emmanuelle Devos. Bien que tiraillé entre un désir de fantaisie burlesque et un naturalisme plus passe-partout, le cinéma de Jérôme Bonnell s’affirme néanmoins comme charmant et gracieux.
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