Huis clos dans un avion détraqué avec des passagers qui le sont tout autant. Un Almodovar mineur, farfelu et parfois désopilant.
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Quel drôle de petit film. Que la chose soit entendue : pour nous, Pedro Almodóvar est l’un des plus grands cinéastes de notre temps.
Parce que depuis des années, il travaille sur la forme, sur le récit, poursuivant des recherches passionnantes sur la réactivation des clichés, le travestissement et le détournement du récit hollywoodien, des poncifs et des genres (essentiellement le mélodrame et le film policier). Il fait partie des rares cinéastes vivants dont on peut dire qu’ils font une œuvre, plus grande que chacun de leurs films. Alors Les Amants passagers apparaît
au premier abord comme une pause, une récréation dans ce travail acharné sur la matière cinématographique.
Les Amants passagers réunit un panel d’Espagnols plus fous les uns que les autres (dont une voyante vierge) dans un avion à destination du Mexique, dont on va très vite apprendre qu’il est en péril puisqu’un problème technique l’empêcherait de se poser dans des conditions normales de sécurité (une histoire de train d’atterrissage). Pendant une heure et demie, dans l’attente qu’une piste de secours se libère quelque part sur le territoire espagnol, l’avion va tourner en rond au-dessus de la belle ville de Tolède.
L’occasion pour les passagers de la classe affaires (ceux de la seconde classe ont été volontairement plongés dans le sommeil grâce à l’usage d’un somnifère) de nous faire partager leurs problèmes, qu’ils soient sentimentaux ou financiers, d’exposer en somme les raisons pour lesquelles ils tenaient tant à aller au Mexique (l’Amérique, l’Eldorado, l’ultime recours pour certains).
Pour corser le tout, l’équipage, et notamment l’équipe de cabine
(les stewards), est constitué, selon les clichés qui courent, d’une bande de joyeux gays dépravés qui ne cesseront de picoler de la tequila ou de sniffer tout ce qui se présente à leurs narines.
Voilà bien longtemps qu’Almodóvar n’avait réalisé une pure comédie. L’ensemble est assez joyeux, très farfelu, frais mais aussi élégant.
Almodóvar renoue avec le comique trash et kitsch de ses tout premiers films mais les moyens financiers dont il dispose aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec le charme bricolé qui marquait ses productions Movida des années 80.
Alors on rit, certes, dans cette métaphore évidente et donc désespérée de l’Espagne actuelle, société gangrenée par la crise économique, pays qui tourne en rond autour de lui-même sans jamais trouver l’issue de secours.
Mais, avouons le, le récit tourne également un peu en rond, malgré des moments de grâce époustouflants (une scène de comédie musicale désopilante) ou des idées de cinéma complètement dingues (un téléphone qui tombe d’un avion et atterrit dans le panier du vélo de l’ex-maîtresse du propriétaire du téléphone…). Comme si Almodóvar lui-même, après s’être bien amusé (et il a bien raison), pensait déjà à son prochain film, un grand film. Qu’on attend avec impatience.
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