En transformant son sampler boulimique en big band toutterrain, le Français Wax Tailor crée une musique suave et luxuriante, hantée de gorges complices et profondes.
[attachment id=298]Sur le visuel de son nouvel album, le premier où il affiche sa frimousse d’oeuf à barbe, Wax Tailor est vêtu d’un costume. Surprise, ce n’est pas celui, étriqué et mal coupé, du “patron du trip-hop à la française” qu’on nous a décrit à longueur de chroniques mais celui, impeccable et coquet, d’un musicien assumant dans un même élan sa culture urbaine, sa cinéphilie et les qualifications de grand couturier de l’électronique susmentionnées. Car n’en déplaise aux cossards du baptême journalistique, le sieur Tailor n’est pas qu’un Pygmalion parmi d’autres. Il est aussi et surtout de ces spéléologues des fonds de tiroir et et des bacs de disques qui prennent un malin et délectable plaisir à jouer les entremetteurs entre le sang-froid du jazz et la liberté de ton de l’abstract hip-hop, entre l’onctuosité d’une rengaine soul et le punch d’un rimeur volubile.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Valide depuis le début de sa carrière, soit bien avant la naissance de la tornade festivalière Caravan Palace, la description tient toujours à l’aune du brillant In the Mood for Life, clin d’oeil à Wong Kar-wai, autre homme à femmes avec lequel Wax partage le goût du façonnage de muses tragiques. Sur ce troisième album, il s’agit de Charlotte Savary, interprète des premiers jours, et elle est, comme on pouvait s’y attendre, traitée avec un peu plus de déférence que les actrices du cinéaste hongkongais : des cordes sépia drapant Go without Me aux beats feutrés et mélodies douces-amères de Fireflies, rien n’est trop beau pour son chant voluptueux et ses accents de diva des Trente Glorieuses.
Pour autant, la moitié féminine de Felipecha n’est pas la seule à avoir bénéficié des talents de metteur en sons de Wax Tailor. Ainsi du timbre de Macassar de l’Anglaise Dionne Charles, qui, en trois minutes chrono, éclipse les afféteries anisées d’Amy Winehouse. Le morceau s’appelle Leave It, et si Tailor ne ratait jamais une occasion d’affirmer son respect pour Mark Ronson, il serait le parfait préambule d’une querelle autour de l’héritage cuivré de la Motown.
Plus loin, c’est Alela Diane qui se découvre une rivale en la personne d’Ali Harter. Invitée à donner la réplique à la rappeuse Voice sur le suave This Train, la songwriter bourgeonnante de l’Oklahoma devrait en effet être la prochaine ambassadrice d’une Amérique rurale artistiquement très éloignée de son image de vivier de croque-mitaines. Les hommes ne sont pas en reste, qu’il s’agisse des Suédois de Speech Defect (B-Boy on Wax, exotique et imparable), des débonnaires blancs-becs de A State Of Mind (Say Yes, single aussi vintage qu’irrésistible) ou encore du trou noir radiophonique Charlie Winston.
Mais au fond, ces invités ne sont rien de plus que des cerises. En témoigne le pendant instrumental d’In the Mood for Life, cadeau Bonux de premier choix où la maestria grandissante de Wax Tailor s’égrène dans son plus simple appareil : sampling élevé du rang de gimmick à celui d’instrument à part entière, formats avantageusement concis, arrangements sophistiqués et dynamique d’ensemble résumable par le dicton maison suivant, “sous les pavés de beats les plages downtempo”. Comme avant, en somme, mais en mieux.
Album : In the Mood for Life (Lab’oratoire/Atmosphériques)
{"type":"Banniere-Basse"}