Après Jacques Rivette, Guillaume Nicloux donne sa version de l’oeuvre de Diderot.
Parcours atypique que celui de Guillaume Nicloux, balançant entre loufoqueries anarcho-dépenaillées à la Mocky (Le Poulpe, Holiday…) et projets plus ambitieux et plus chiadés (Cette femme-là, Cliente, L’Affaire Gordji…). La Religieuse fait partie de la seconde option, adaptation du célèbre roman de Diderot, déjà porté à l’écran en 1966 par Jacques Rivette avec les effets que l’on sait (scandale, censure…), sur une jeune femme contrainte par sa famille d’entrer dans les ordres.
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Aujourd’hui, plus de risque d’interdiction ou de polémique, mais il semblait intéressant de confronter cette histoire à notre temps, où le fait religieux occupe nombre de débats sociétaux et où prolifèrent toutes sortes de sectes et superstitions diverses.
Cela dit, sous le regard de Nicloux, La Religieuse n’est pas tant une œuvre anticroyance qu’antipouvoir excessif. Sa Suzanne Simonin ne renie jamais sa foi en Dieu, mais souhaiterait la pratiquer intimement et librement, en vivant dans la société. Ce qu’elle rejette, ce n’est pas Dieu mais son enfermement dans l’institution religieuse et toutes ses règles de vie rigides.
On sent bien qu’à travers le cas particulier du clergé catholique, Nicloux vise tout système qui opprime les individus et singulièrement les femmes (intégrismes religieux, régimes politiques autoritaires, phénomènes sectaires, petits chefs, caïds, etc.).
Il reste neutre concernant la question de la foi, s’attachant à dresser le portrait d’un être entêté, fragile dehors solide dedans, faisant corps avec une résistante qui ne renonce jamais à la reconquête de sa liberté, malgré la puissance délétère du système qui l’entrave et l’oppresse.
Pour raconter ce destin, Nicloux a opté pour un style sobre, épure bressono-pialatienne pour aller vite, ligne claire d’où se détachent la folie de l’enfermement conventuel et la puissance de résistance de Suzanne. Ce bel écrin est habité par des comédiennes à intensité maximale : Bourgoin dans un contre-emploi terrifiant de marâtre psychorigide (ou de séduisante salope), Huppert en Mère sentimentalement écorchée (à la lisière du comique), Lebrun dont le visage s’impose tranquillement.
Au milieu de ces stars, trône la benjamine Pauline Étienne, petite flamèche qui refuse obstinément de s’éteindre, dans une performance du genre à tatouer une carrière. Moins radicalement désespérée que chez Rivette, plus proche de Diderot, la fin est très belle.
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