L’auteur souvent inventif de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Et Forrest Gump s’embourbe dans un pensum sur les ravages de l’alcoolisme chez les pilotes de lignes.
L’échec de Flight est déjà tout entier contenu dans sa première scène. Robert Zemeckis, revenu de ses expérimentations numériques injustement méprisées (Le Pôle Express, La Légende de Beowulf et Le Drôle de Noël de Scrooge, films pionniers dans l’utilisation de la performance capture), y filme pour la première fois depuis 2000 (Seul au monde) deux corps en chair et en os.
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Denzel Washington est nu dans une chambre d’hôtel ; à ses côtés, une fille de petite vertu enfile un string en se trémoussant, sans égard pour la caméra voyeuse ; de l’herbe, de la coke et de l’alcool traînent un peu partout. Malaise.
Feelin Alright de Joe Cocker retentit soudain, alors que les deux amants illégitimes (autant que ceux du début de Psychose) sortent de la chambre, au ralenti. Ils sont respectivement pilote et hôtesse : un avion les attend. Lier ainsi, d’emblée, sexe, drogue et rock’nroll peut être un programme tout aussi excitant – surtout au vu de ce qui suit – qu’inquiétant. Hélas, c’est rapidement la seconde option qui prévaut.
Ce qui suit, ce sont vingt minutes brillantes durant lesquelles Washington, passablement éméché/shooté, va sauver son Boeing défaillant d’un crash certain, en lui faisant faire un looping puis un atterrissage miraculeux sur le parvis d’une église (attention, indice…).
De mémoire, on a rarement vu un accident d’avion filmé avec une telle tension, une telle pureté, ce qui prouve que Zemeckis n’a rien perdu de son talent de metteur en scène. L’avion atterrit tant bien que mal, donc, mais une enquête est ouverte, qui attire naturellement la suspicion sur le pilote toxicomane.
Est-ce de sa faute ou a-t-il fait de son mieux ? Il y avait là un grand film à réaliser sur l’héroïsme défaillant. Malheureusement Flight se transforme, pendant les deux heures suivantes(à quelques scènes près), en pensum moralisateur sur l’alcoolisme et la rédemption .
Tout est contenu dans la première scène, disions-nous. Tout en étant gêné par son puritanisme apparent (la chair filmée comme un péché, comme si l’on était en 1959…), on se dit, un temps, qu’elle pourrait bien être ironique, cette scène. Une hypothèse, sous-entendue mais jamais formulée, vient par ailleurs étayer cette impression : et si le sauvetage miraculeux avait été dû à l’état d’ébriété du pilote ? si celui-ci n’avait pas été high, aurait-il eu l’intuition folle de retourner l’engin sur lui-même, et ainsi sauver 99% des passagers ?
Cette idée passionnante et profondément dérangeante , est pourtant contournée par Zemeckis. Plutôt que l’alcool allié au génie d’un homme (fût-il ténébreux), c’est Dieu, nous dit-il, qui a sauvé tous ces gens, et c’est ce même Dieu qui se manifeste (dans une scène ahurissante pour piéger le héros et le mener à la rédemption. La morale est sauve.
Mais certainement pas la carrière de Zemeckis, qui, après les plus exaltants chemins de traverse (malheureusement conclus par un échec public), emprunte ici la plus morne des autoroutes.
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