« Vous pouvez vérifier », a lancé le fils du Président à propos de ses études universitaires. Rue89 l’a pris au mot. En partenariat avec Rue89.
[attachment id=298]Tout commence avec cette confidence de Jean Sarkozy, jeudi dernier au Point :
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« J’ai validé trois matières de ma deuxième année présentée. Et je peux même vous donner les notes : 11 en histoire des idées politiques, 14 en finances publiques et 19 en droit immobilier et en droit civil. Vous pouvez vérifier. » Il ne fallait pas nous le dire deux fois. Venant de quelqu’un qui, pour sa première campagne électorale, a assuré « soutenir à mort » le candidat qu’il allait pourtant lâcher quelques semaines plus tard, il y a de quoi se poser de légitimes questions.
Certes, il y a quelque chose d’étrange à s’interroger sur le parcours universitaire d’un jeune homme qui, à 23 ans, n’a toujours qu’un bac en poche et devrait pourtant diriger le conseil d’administration de l’Epad (Etablissement public d’aménagement de La Défense), qui abrite « 2500 entreprises (dont quelques multinationales) et 150 000 emplois ».
Mais puisque ça se passe aujourd’hui comme ça et qu’un responsable politique en vient à parler de son actualité en donnant ses notes de deuxième année de fac, il faut bien s’y résoudre. D’autant que nombre de riverains de Rue89 ont également réclamé de vérifier ses dires, sous ma récente enquête sur les difficultés financières de l’Epad.
Le droit immobilier, c’est pour les plus grands
Alors, commençons par les trois notes sus-citées. Petit coup de téléphone au service de la scolarité de la Licence 2 à la faculté de droit de l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où Jean Sarkozy est réputé étudier : « Nous ne sommes pas autorisés à communiquer sur les notes ou les années des étudiants, de tous les étudiants, même aux parents. »
Il fallait s’y attendre. C’est même plutôt rassurant de voir qu’on ne refile pas les notes d’untel ou d’unetelle au premier venu. N’empêche, au passage, je repense au « vous pouvez vérifier » de Jean Sarkozy et me dis que ça ne l’engageait pas trop…
Direction donc le règlement de la Licence 2. On ne connaîtra pas les notes, mais on apprendra autre chose. La série des trois matières indiquées figurent bien au programme du premier semestre de la Licence 2, mais deux précisions s’imposent :
1- Il ne s’agit pas de « droit immobilier et droit civil », mais de « droit des biens », qui est effectivement une matière de droit civil, mais qui n’est pas du droit immobilier. Le droit immobilier, c’est pour les plus grands. On peut cependant le comprendre : un 19 en droit immobilier, ça peut remplir un CV vide quand on veut présider l’Epad.
- 2- Il s’agit de matières dites non fondamentales. Et pour avoir moi-même fait des études de droit, je peux témoigner qu’il s’agit d’oraux ou d’écrits d’une heure qui se révisent et s’obtiennent en bachotant deux jours maximum par matière. Pas de quoi pavoiser.
Ce qui surprend également est la précision apportée par Jean Sarkozy, toujours au Point : « Je présenterai les quatre matières restantes lors du prochain contrôle. » Sauf qu’il lui reste au minimum huit matières à passer. Quatre matières fondamentales (deux au premier semestre et deux au second, les plus difficiles à obtenir) et quatre non fondamentales (au second semestre).
Allez, on pourrait presque lui pardonner cette absence, tant il est difficile de s’y retrouver même pour un étudiant assidu.
« Un étudiant qui n’est même pas chez nous »
Muet, le même service de la scolarité allait toutefois m’apporter, sans le vouloir, une précision loin d’être anodine. Affable, mais agacée par les coups de téléphone à répétition des journalistes, la responsable me glisse avant de raccrocher :
– « Je n’aime pas trop passer tout mon temps au téléphone pour un étudiant qui n’est même pas chez nous.
– Pas chez vous ? Comment ça ?
– Ben… Euh… On ne s’occupe que de la filière normale. Au revoir. »
S’il est donc toujours inscrit à Paris I, il a opté pour l’une des voies alternatives : la formation à distance (via le Cavej), plus facilement conciliable avec son activité de conseiller général des Hauts-de-Seine.
Une indication qui vient s’ajouter à celles, nombreuses, fournies par étudiants et professeurs de la même faculté, qui témoignent qu’on ne le voit plus depuis au moins un an. Ainsi que par quelques portraits de l’intéressé parus dans la presse. Autant d’éléments qui permettent de retracer une ébauche de parcours :
- Juin 2004 : bac L au lycée Pasteur de Neuilly (obtenu).
- Septembre 2004 : hypokhâgne au lycée Henri-IV à Paris (abandon).
- Septembre 2005 : prépa ENS Cachan au lycée Turgot à Paris (échec).
- Septembre 2006 : première année de droit à Nanterre puis à Paris I (obtenue).
- Septembre 2007 : première deuxième année de droit (rate les exams).
- Septembre 2008 : deuxième deuxième année de droit (ne passe pas les exams).
- Septembre 2009 : troisième deuxième année de droit (en cours).
Dérogation, autorisation et communication de crise
Là encore, on peut faire deux observations. Il est semble-t-il passé par la fac de Nanterre (celle du secteur de Neuilly-sur-Seine), avant de bénéficier d’une dérogation pour venir étudier à Paris I. Et le président de l’université a dû l’autoriser à tripler sa deuxième année, car il est impossible sinon de faire plus d’un redoublement durant les deux premières années d’études en droit.
J’aurais évidemment souhaité pouvoir confronter ces déductions aux déclarations de Jean Sarkozy. Mais ce dernier n’a pas répondu aux demandes d’interview de Rue89. J’ai seulement appris au passage qu’il s’était entouré, depuis peu, d’une nouvelle conseillère en com, spécialiste des relations publiques… et de la communication de crise.
Si vous me lisez, Madame, je veux bien que vous écoutiez votre répondeur et me rappeliez. Par avance, merci.
Photo : Jean Sarkozy à l’université d’été de l’UMP à Royan en septembre 2008 (Audrey Cerdan/Rue89).
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