Vie et mort d’un beautiful loser dans une comédie sentimentale américaine frappée et amère.
C’est l’un des secrets les mieux gardés de la scène indé US, une sorte de précepteur de l’ombre chéri par toute une nouvelle génération de cinéphiles américains. Un scénariste et réalisateur d’une quarantaine d’années, acteur assez génial à l’occasion (on l’a aperçu chez son disciple Alex Ross Perry dans The Color Wheel), établi à Austin au Texas, dont il a fait l’un des centres nerveux d’un fameux mouvement naturaliste fauché, baptisé “mumblecore”.
C’est Bob Byington, ses grandes lunettes rondes, ses airs lunatiques et son dernier film, Somebody Up There Likes Me : une merveille de comédie détraquée, élégante et somnambule, futile à la surface mais secrètement angoissée.
Une bonne heure à survoler la petite existence misérable d’un loser magnifique, Max (Keith Poulson), un grand échalas perpétuellement las qui partage un peu de l’ADN de Napoléon Dynamite et de tous ces inadaptés du cinéma américain pour lesquels les femmes restent un mystère et la vie une drôle d’épreuve.
Le film l’accompagnera de ses 30 ans à son dernier souffle, avec entre les deux des mariages, des séparations et un enfant, toute une odyssée amoureuse de poche ramassée en quelques saynètes ou fast-forward et traversée par le motif récurrent d’une valise magique d’où s’échappe le rayon lumineux des expériences.
L’enchantement immédiat que procure la découverte de cette étrange comédie sans âge, habillée d’une photographie vaporeuse, tient surtout à l’extrême musicalité du style de Bob Byington qui épouse la forme saccadée et elliptique des rébus : les séquences autonomes se suivent et se complètent tandis que les années défilent au rythme de superbes interludes pop.
En quelques vignettes très graphiques, évoquant le petit monde de Wes Anderson raturé par un auteur de comic strip façon Daniel Clowes, le film papillonne ainsi librement autour de son personnage et de seconds rôles fabuleux (Nick Offerman, de la série Parks and Recreation), tous affectés par le même abattement, la même résignation.
Somebody Up There Likes Me est le récit des fluctuations sentimentales de cette americana inerte, ses rapides montées de désir et leur lente extinction, ses regrets et ses choix impossibles (la brune ?, la blonde ?) qui se terminent toujours en échec.
On croirait à un Rohmer lo-fi rejoué trop tard par une bande de comiques texans dépressifs.