Primé à Cannes pour son charismatique acteur, le nouveau portrait à charge de la bonne société danoise du réalisateur à moitié essoufflé de Festen.
Drôle de carrière que celle de Thomas Vinterberg, débutée tambour battant sur les traces dogmatisée de son maître Lars von Trier avec le brûlot Festen en 1998 (en fait son troisième film, aujourd’hui difficilement regardable), puis poursuivie dans une indifférence polie (et croissante) avec It’s All about Love, Dear Wendy et Submarino.
Son retour en compétition au Festival de Cannes, quatorze ans après la première fois, avait donc des airs de dernière chance, en même temps que de retrouvailles.
Bienvenue dans la campagne danoise, sa bourgeoisie étouffante, ses rites de passage entre mâles (la chasse : attention, métaphore), sa bonne conscience qui cache forcément les pires démons… Sauf que le principe de Festen est ici inversé, car dans cette communauté à la tempérance toute sociale-démocrate les gens sont honnêtes, trop honnêtes, ce qui n’empêche pas l’injustice de s’y loger sans crier gare.
C’est dans l’installation du drame que Vinterberg est le meilleur, lorsqu’il filme calmement, implacablement, le quotidien d’un brave type (Mads Mikkelsen, prix d’interprétation mérité à Cannes) s’effondrant à la suite d’une accusation mensongère de pédophilie.
L’acteur de Pusher et Casino Royale est le meilleur argument du film, son physique (de brute) à contre-emploi produisant une certaine ambiguïté que le cinéaste a par ailleurs tendance à délaisser.
C’est que Vinterberg, tout occupé à son exposé sur la lâcheté, ne cesse, dans la seconde moitié du film, d’enfoncer les portes ouvertes. À malin, malin et demi ; à coups de poing, gros coup de boule (la scène du supermarché, facile).
Lorsque la honte change de camp, forcément, le spectateur jubile, excité par l’odeur du sang. Éternelle faillite de ce cinéma de faits divers qui joue à acculer ses personnages (récemment Después de Lucía, À perdre la raison), à les humilier pour qu’ils n’aient d’autre choix que de “vider l’abcès” – mais quoi de plus aisé, quand on a soi-même mis autant d’efforts à le remplir ?
Heureusement, La Chasse ne tombe pas complètement dans ce travers et se rattrape in extremis par une belle fin.