Un des sommets indie-rock de l’année : le trio de Brooklyn The Antlers déniche des trésors de lyrisme sur un album doux et sombre.
[attachment id=298]Chez Peter Silberman, c’est opération portes ouvertes. Manque de bol, les portes donnent sur l’obscurité de son Hospice, douloureuse expérience d’accompagnement d’un enfant malade en phase terminale. Après trois courts albums écrits en autarcie dans sa chambre, cet auteur qui n’avait pour seuls amis qu’une guitare et des claviers s’est autorisé un batteur, un multi-instrumentiste au banjo ou à la trompette et un bassiste occasionnel.
L’alchimie trouvée parvient à allumer des étincelles sur une mer d’encre noire et désespérée, comme si l’exercice de composition avait réussi à assurer la survie de son auteur, à l’image des terribles moments qui avaient précédé l’écriture de For Emma, Forever Ago de Bon Iver ou de Funeral d’Arcade Fire. Sauf que ces Antlers vivent à Brooklyn et que leur musique doit autant au folk boisé qu’au rock cafardeux qui a donné naissance aux Walkmen, The National ou Calla. Claustrophobe jusqu’à l’étouffement, Hospice demeure pourtant un véritable miracle d’écriture, portant en Sylvia l’un des plus beaux morceaux du monde du silence, un monument de lyrisme aux paroles effrayantes, saisies sans fausse pudeur sur un lit de mort : “Sylvia, ne vois-tu pas que j’ai peur de te parler… Sylvia, je ne parle que quand tu dors, c’est là que je te dis tout et que j’imagine que tu m’entends.”
Chaque chanson parvient à tutoyer les mêmes abysses, qu’un rayon de lumière vient parfois éclairer, comme sur ce Bear aux accents plus pop ; ou quand, sur Shiva, Silberman atteint l’équilibre idéal qui permet à un songwriter flamboyant à la Richard Hawley de toujours réussir à faire briller une illumination de Noël dans le plus sombre des caniveaux. Duquel on n’a toujours pas réussi à se relever.
Album : Hospice (Frenchkiss Records/K7/PIAS)