Avec le premier album du projet panafricain Batuk et un nouvel ep à paraître en juin, Spoek Mathambo s’impose pour de bon comme la star de l’electro sud-africaine. Rencontre là-bas, à Johannesburg.
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Johannesburg, ses buildings, ses rues bordéliques, ses townships, son énergie fiévreuse. Et puis la 7th Street de Melville, avec ses bars et ses cafés à la cool. C’est dans ce quartier tranquille qu’habite la chanteuse et performeuse Manteiga, également voix principale de Batuk, le groupe qu’elle forme avec deux stars de la musique électronique sud-africaine, Spoek Mathambo et Aero Manyelo. Il ne manque que ce dernier quand on rencontre la formation à la fin du mois de février. Le soleil se couche sur la ville, il fait doux. Ici, c’est l’été.
A 30 ans, avec deux albums et quelques collabs (dont l’Africa Express de Damon Albarn), Spoek Mathambo a déjà bouleversé le paysage musical sud-africain et réussi – chose pas si évidente – à faire entendre ailleurs ce que la jeunesse locale, première génération post-apartheid, avait à dire au reste du monde. “Avant l’année dernière, j’avais davantage joué en Europe que sur le continent africain”, raconte-t-il.
“A plusieurs, on est plus forts »
C’est d’ailleurs comme ça qu’est née l’idée de Batuk, qui, au-delà du trio de base, rassemble des musiciens venus d’Ouganda (Giovanni Kiyingi, Annet Nandujja, Nilotica), du Congo (Lebon) et du Mozambique (Grupo Zore, Grupo Makarita).
“Avec ce projet, poursuit-il, j’ai l’impression de créer du lien entre des personnes et des musiques très différentes. L’afro-house est quelque chose qui se répand de plus en plus dans les différentes régions d’Afrique, mais sans que les musiciens soient forcément liés entre eux. Au-delà des nationalités, je voulais montrer les points communs entre nous, et retirer quelque chose de tout ça.”
Manteiga, qui est mozambico-sud-africaine et chante surtout en portugais, appuie l’idée comme une évidence : “A plusieurs, on est plus forts. Il y a plus à découvrir quand les esprits et les énergies se mettent en commun.”
Agrégat mutant de musiques traditionnelles, de soul et de techno, le premier album de Batuk est l’habillage sonore d’un monde neuf, débarrassé à la fois des carcans de genres et des horizons de diffusion. Quelqu’un a dit “musique du monde” ? L’album s’appelle Música da Terra, c’est-à-dire “musique de la Terre” en portugais. Idée d’universalité ou rapport plus concret au sol, au dance-floor, aux origines aussi : peu importe, c’est le titre-monde d’un disque-monde conduit de bout en bout par la danse et la transe, les répétitions, les boucles, les slogans, les couleurs, un peu comme un mur de street art où chaque couche recouvre et réinvente celle d’en dessous, pour finir en collage insaisissable, abstrait, fascinant.
Spoek Mathambo est dans le futur
Le soleil se couche sur la ville, il fait doux. Ici, c’est l’été. Spoek Mathambo est dans le futur : il porte un ensemble short et K-Way rouges, ainsi qu’une petite casquette sur le haut du crâne. Il parle lentement, prend le temps de réfléchir avant de répondre et s’agace de temps en temps des choses trop évidentes, ou de certains éléments de langage. Quelqu’un a dit “musique du monde” ? Il répond :
“C’est un peu old school de parler de world music. Il y a quelque chose de raciste derrière ce terme : il ségrègue tout ce qui n’est pas occidental.”
Et paf. Autre exemple de fulgurance :
“La musique a toujours le même objectif : sortir les hommes de leur quotidien, les élever vers quelque chose de supérieur et les faire sortir de leur corps. De la musique religieuse à la musique électronique, ça n’a pas changé.”
Et la musique électronique, au-delà de son engagement envers les musiques traditionnelles avec Batuk, Spoek Mathambo connaît bien. L’année dernière, il a publié Future Sound of Mzansi, un documentaire en trois parties explorant la scène electro sud-africaine et ses sous-genres, qui varient d’une région à l’autre. Du broken beats au Qgom, de la Bacardi house au kwaito, il y dessine une carte hallucinée d’un pays en pleine explosion créative.
C’est d’ailleurs un condensé de tout ça qu’on retrouve dans Badimo, nouvel ep solo de Spoek Mathambo à paraître au mois de juin. Ce sera la première partie d’une trilogie qui comprendra un album, Mzansi Beat Code (cet automne), et un autre ep, Toro (cet hiver). On y retrouvera tout l’amour de Spoek Mathambo pour la musique de club, avec un supplément d’âme venu de son goût pour le hip-hop et les percussions tribales. Et toujours le même mot d’ordre, comme on peut le lire sur la page Facebook de Batuk : “From South Africa to the world”.
Concerts le 27 mai à Saintes (Coconut Music Festival), le 30 juillet à Saint-Nazaire (festival Les Escales)
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