La relation trouble du neurologue Jean-Martin Charcot avec une de ses patientes, interprétée de façon époustouflante par Soko.
Séquence d’ouverture : une grande demeure bourgeoise, un banquet, des invités attablés, gloussant, des domestiques affairés, grouillant ; parmi eux, une jeune servante, légèrement hirsute, à l’étroit dans son uniforme, mal à l’aise à la vue de ce bouillon où périssent les crabes piégés. Comme eux, elle se raidit, rougit, suffoque, et bientôt explose, prise d’une crise d’hystérie.
Augustine est là, sur le sol, hurlant, gigotant, se tordant : elle est possédée.
La belle idée d’Alice Winocour – passée par la section scénario de la Fémis (comme Céline Sciamma ou Rebecca Zlotowski) avant de réaliser ce premier long métrage remarqué à la Semaine de la critique – est d’envisager la possession sous son double sens, matériel (par la société patriarcale du XIXe siècle, pas si différente de la nôtre) et spirituel (par le démon, le film n’hésitant pas à tirer vers le fantastique), pour en articuler le possible dépassement.
Passant d’une prison à une autre, Augustine, semi-paralysée, est confiée au professeur Charcot, qui dirige les soins psychiatriques de la Salpêtrière d’une main ferme mais (encore) peu attentionnée.
À partir de là, Winocour raconte, par une reconstitution soyeuse et minimaliste, l’histoire d’une re-possession : comment, grâce à la sexualité, la jeune fille va regagner son corps, s’affirmer comme sujet. Sur la stricte question de la représentation du corps (dé)possédé, Winocour fait même mieux que trois cinéastes pourtant expérimentés : David Cronenberg (A Dangerous Method), Abdellatif Kechiche (Vénus noire), Darren Aronofsky (Black Swan).
Soko, totalement habitée par le rôle, n’a ainsi pas besoin des trucs Actors Studio de Keira Knightley, et l’érotisme puissant qui se dégage de ses courbes ne lui ôte pas pour autant toute psychologie (Kechiche),
ni n’en fait un pur objet de fantasme sadique (Aronofsky).
C’est dans cet équilibre heureux que Winocour réarme son Augustine, notamment lors d’un troublant épilogue qui balaie bien des considérations puritaines de l’époque.