Alors que les cadors français sont au repos, c’est au tour de l’Allemand Boys Noize et des Italiens de Bloody Beetroots de se la jouer marlous sur le dance-floor. Critiques et écoutes intégrales.
Après avoir perdu sa place de tête de série à la Coupe du monde 2010, la France risque désormais de perdre son statut privilégié dans la grande course à l’electro mondiale. En cette année de repos de Daft Punk, Oizo et Justice, les coups de boutoir viennent encore et toujours des mêmes : Allemagne et Italie. Outre-Rhin, c’est Boys Noize qui déboule avec un deuxième album über impeccable, Power, successeur idéal de Oi Oi Oi, qui nous avait fait connaître en 2007 l’electro suréquipée de celui qui dans le civil s’appelle Alexander Rhida, et que l’on peut raisonnablement considérer comme le petit prince de l’electro allemande. Sur ce second disque, Rhida a choisi de conserver la même formule : on joue à toute berzingue et on envahit le dance-floor jusque dans ses moindres recoins, à grands coups de scies et de beats en merisier.
Mais là où Oi Oi Oi misait tout sur ses épaules carrées et son physique de surhomme, Power parvient à s’imposer avec beaucoup plus de vista et de finesse. Pas uniquement costaud, ce second Boys Noize regorge en effet, outre les bangers syndicaux (Gax, Starter, Trooper, Nott), de titres complexes qui révèlent la fascination de Rhida pour Kraftwerk notamment.
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[attachment id=298]« Avec cet album, j’avais envie de montrer que je savais faire autre chose que faire danser les gens, même si j’adore ça dans le fond. Je suis depuis longtemps fasciné par la musique de Kraftwerk, qui a bercé mon adolescence. J’aime aussi des trucs assez groove, ce qui ne s’était pas toujours entendu dans ma musique. L’un de mes disques préférés, c’est Three Feet High and Rising de De La Soul… La musique électronique est devenue terriblement déprimante depuis quelques mois, tout le monde s’est réfugié dans le son compressé, sans grande créativité. J’avais envie d’aller plus loin, car je me suis senti une espèce de responsabilité dans tout ça, j’avais moi-même abusé de ce son sur mon premier disque. J’ai donc décidé de pousser les choses vers l’inconnu.”
Et c’est vrai qu’au contact répété de Power ce sont d’autres couches de Boys Noize que l’on soulève. Des morceaux comme Heart Attack, Jeffer ou Nerve révèlent en effet un Rhida déridé, à la fois introspectif et guincheur racé. Via ces nouveaux contours, il est encore un peu mieux placé au panthéon de la jeune electro européenne grande classe (de Digitalism à Justice en passant par Erol Alkan). Avec deux disques au compteur, voilà en effet le Berlinois Rhida appelé aux plus hautes fonctions : le très futé Gonzales ne s’y est pas trompé puisqu’il travaille actuellement avec Boys Noize sur un album commun, qui, diton, n’aura pas peur de sonner par endroits comme le générique de la sérieMcGyver.
Si la France reste au repos, et que l’Allemand Boyz Noise reprend la main avec son formidable Power, une électro de grande classe arrive également pour réveiller les corps -du côté de l’Italie cette fois, avec le premier album tant attendu du duo Bloody Beetroots. Repéré sur plusieurs maxis balèzes et bondissants, les deux DJ masqués (souvent avec le masque de Venom, l’ennemi juré de Spider- Man) Bob Rifo et Tommy Tea débarquent avec un produit massif de vingt titres regroupant d’anciennes productions (dont le survolté Cornelius) mais aussi de nouveaux morceaux taillés pour la bonne lutte gréco-romaine en boîte de nuit – mais pas que. Bloody Beetroots avance, comme Boys Noize, avec une farouche envie d’en découdre en bonne intelligence sur la piste de danse.
Le premier album, Romborama, est ainsi une véritable invitation à la castagne élégante en lieu de sociabilité (Storm, Butter, Yeyo), avec en options quelques moments de grâce à partager seul caché derrière le bar, une petite larme sur la joue, en serrant très fort la boule à facettes dans ses bras (le fantastique Have Mercy on Us que ne renierait pas le Rondo Veneziano, ou encore Mother et Make Me Blank, délicieuses envolées qui pourraient rendre les Daft de Discovery quasi jaloux).
[attachment id=298]L’album de Bloody Beetroots, comme celui de Boys Noize, invite à renouer en 2009 avec la musique de danse, sans jamais tomber dans le train-train boum boum tatapoum. Car chez ces amis allemands ou italiens, il y a comme lors des plus grandes heures de la French Touch cette envie d’hédonisme malin et de bonheur inspiré qui transpire à chaque beat et boucle. Avec Boys Noize et Bloody Beetroots, on se bouge la fesse avec la certitude qu’on se couchera moins bête, ou qu’on ne se couchera peutêtre pas du tout, pour garder cette saine ivresse le plus longtemps. Une manière de se faire l’Europe, un peu à notre façon.
Albums : Boys Noise Power (Boys Noise/La Baleine) / Bloody Beetroots Romborama (Cooperative/La Baleine)
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