Le cinéaste délaisse la fresque politique balourde et retrouve une certaine vigueur avec une série B sexy et toxique.
Après une décennie consacrée à aborder les grands problèmes du monde contemporain (le 11 Septembre, George W.Bush, Fidel Castro, la crise financière, la coiffure de Colin Farrell…) avec un sérieux de bénédictin, Oliver Stone revient avec Savages à quelque chose de plus léger.
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Plus léger, façon de parler : le film s’ouvre sur une décapitation dans une cave au Mexique, là où sévit la guerre des cartels, l’une des plus meurtrières au monde.
Mais l’acte est filmé avec détachement, de façon presque badine, puis regardé par deux surfeurs californiens confortablement assis derrière leur ordinateur, pétard et paréo à portée de main. L’effroi les saisit bel et bien, mais disparaît aussi vite, le temps d’un clic. Snuff zapping.
On reconnaît là le réalisateur de Tueurs nés, pour qui la violence est une pop song anodine que les Américains fredonnent entre un burger et un reality-show, une tare congénitale dont il convient, à défaut de pouvoir l’endiguer, de saisir la mécanique infernale.
Les sauvages promis par le titre se distribuent ainsi des deux côtés de la frontière, bien que les uns soient foncièrement plus sympathiques que les autres – Stone demeure un “patriote”.
Au Nord donc, Taylor Kitsch, Aaron Taylor-Johnson et Blake Lively (scrutée avec un œil dégoulinant de désir) mènent la belle vie à Laguna Beach, formant un ménage à trois et vendant, en toute légalité, la meilleure herbe du comté.
Au Sud, Salma Hayek et Benicio Del Toro (tous deux excellents, cabotinant juste ce qu’il faut) dirigent l’un des plus gros cartels du pays et s’intéressent de près au business florissant de leurs collègues étasuniens. La guerre est déclarée, elle sera sans pitié.
Balourd dès qu’il s’agit de se dépatouiller avec la morale ou la dialectique, pas toujours subtil dans sa mise en scène, Stone excelle en revanche dans le portrait générationnel, embrassant les destinées de ses personnages avec une générosité qui finit par emporter le morceau.
Peu importe que vous comptiez transformer votre prochain en torche vivante, envahir le Vietnam, piller l’Irak ou ruiner les petits épargnants, Stone vous regardera toujours avec fascination, jamais avec mépris.
Son éternel côté “tonton qui se lâche aux dîners de famille mais qui se rattrape par une bonne blague”, s’il peut être franchement embarrassant dans ses fresques historico-politiques, convient à la perfection lorsqu’il s’agit de filmer de beaux jeunes gens qui jouent aux gendarmes et aux voleurs, dans un monde où il suffit de crier “pouce !” pour se relever d’un coup mortel. Sacré Stone.
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