Un premier film réussi sur la crise existencielle d’un juif un peu loubard.
C’est le récit presque ordinaire d’un jeune désocialisé, Nathan (Pio Marmaï, très fort), un loser bientôt trentenaire dont la vie ressemble à une somme d’échecs.
Vie professionnelle avortée, famille éclatée et relations sentimentales à zéro, tout échappe à ce misfit des quartiers Nord de Paris. Du coup, Nathan deale du shit, par nécessité, mais aussi sûrement afin de tromper l’ennui de son existence.
Il est plus accessoirement juif ashkénaze (tendance sceptique paresseux), ce qui lui vaut un soir de fête une opportunité imprévue : un lointain cousin, qui ouvre un restaurant à Tel-Aviv, l’invite à se mêler au business, donc à quitter sur le champ sa misère parisienne. Problème : Nathan devra rassembler un paquet de fric et, comme tout prétendant au grand départ, se soumettre au rituel de l’alyah (apprendre l’hébreu, faire allégeance à Israël…).
Présenté ainsi, le premier film d’Elie Wajeman promet de respecter à la lettre la grammaire établie depuis quelques années par James Gray, croisant l’étude d’un milieu religieux, le tableau d’une famille toxique (Cédric Kahn est prodigieux en grand frère parasite) et les pulsations fiévreuses d’un polar en milieu urbain.
Mais s’il déroule d’abord (très) classiquement ce programme, Alyah se détourne vite des mythologies américaines pour faire le portrait inquiet et sensible d’un jeune type dont le départ vers Israël (“un pays foireux, comme moi”, dit-il) ressemble moins à une issue de secours qu’à un prolongement de sa fuite – ce qui est, politiquement, assez incorrect.
L’irruption soudaine d’un flirt avec une jeune femme également larguée (Adèle Haenel, radieuse, qui offre au film ses plus belles scènes), ne changera rien à cette trajectoire programmée pour le chagrin.