Un musical gentillet qui passionne dès qu’on s’intéresse aux « vieux » Tom Cruise et Alec Baldwin, bien servis par un scénario retors.
Il y a deux films dans Rock Forever. Le premier est une comédie musicale gentillette, réalisée par Adam Shankman, à qui l’on doit quelques comédies familiales tout à fait oubliables (Un mariage trop parfait, Baby-sittor, Treize à la douzaine 2…), un remake aseptisé mais pas déplaisant du Hairspray de John Waters et quelques épisodes de Glee.
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Son nouveau film raconte l’ascension “musicale” de deux kids (Julianne Hough et Diego Boneta, sans doute échappés de leur couveuse Disney),
à Los Angeles, à la fin des années 80, ce moment peu glorieux où glam et hard-rock se fondèrent dans le creuset FM pour donner naissance aux atroces Bon Jovi, Poison, Def Leppard, Guns N’ Roses… Tous sont convoqués sur la BO, pas joli-jolie.
Alors que l’industrie du disque n’en finit plus d’agoniser, il est toutefois amusant – et un peu pathétique, aussi – de voir ainsi célébré son âge d’or (commercial) dans un déluge de mauvais goût assumé, qui culmine lorsque le héros voit en quelques plans sa chevelure passer de la crinière heavy metal au brushing Studio Line des boys-bands naissants.
Le second film est, lui, en revanche, beaucoup plus intéressant. Il est l’œuvre d’un scénariste retors, Justin Theroux, et, à des degrés divers, des innombrables stars qui jouent leurs partitions personnelles dans cette fanfare cacophonique.
Parmi elles, deux retiennent particulièrement l’attention : Tom Cruise et Alec Baldwin.
Theroux, qui parallèlement à sa carrière d’acteur (Adam Kesher dans Mulholland Drive, forever) a écrit quelques scénarios où affleurait déjà son ironie mordante (Tonnerre sous les tropiques), leur a ainsi réservé deux rôles idoines : une rock-star décadente et concupiscente pour Cruise, un tenancier de bar bourru et gay pour Baldwin.
Dans le film, ils ne se croisent pas mais se toisent, et s’admirent, à distance. Et cet amour-rivalité nous raconte une autre histoire, secrète, infiniment plus belle que celle du gros rock qui tache, et qu’on pourrait résumer ainsi : ça veut dire quoi, vieillir, pour un acteur ?
Cruise et Baldwin ont à peu près le même âge (la cinquantaine), ils ont tous deux explosé au même moment, précisément celui que décrit le film (en 1988, Cruise tourne dans Top Gun et Rain Man, Baldwin dans Working Girl et Beetlejuice), mais sont aujourd’hui aussi opposés que deux stars peuvent l’être.
Tandis que le premier refuse catégoriquement de laisser la vieillesse marquer son corps, ressemblant toujours plus à un vampire, le second porte ses années avec sérénité, ce d’autant plus qu’elles lui ont donné du coffre et une crédibilité.
Ils pourraient presque être père et fils, et cet écart insensé nous fait mesurer à quel point un acteur, au fond, ne fait que négocier, forever, avec son Dorian Gray.
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