Maupassant enflammé par Robert Pattinson dans un modèle d’adaptation romanesque.
Dans l’un des nombreux tête-à-tête (ou corps à corps) que ménage le film, le sort de Georges Duroy, alias Bel Ami, est réglé en une sentence expéditive et non négociable : “You feel nothing but rage, you’re just
an animal” (“Tu ne ressens que la colère, tu n’es qu’un animal”).
Juste un animal, voilà pour le profil psychologique de cette nouvelle version du héros de Maupassant imaginée par deux metteurs en scène
de théâtre british, Declan Donnellan et Nick Ormerod (qui signent leur premier film), dont c’est peu dire que l’on n’attendait pas une telle désinvolture (entendue ici comme un compliment), ni une telle impertinence dans l’exercice si délicat de l’adaptation romanesque.
Leur Bel Ami, incarné par Robert Pattinson, est donc un animal, découvert en sueur, brûlant de désir, dans une première séquence nocturne très belle.
C’est un fils de pauvre lancé dans les boudoirs ou salons parisiens à la conquête des cœurs et des dots de la grande bourgeoisie fin XIXe.
C’est aussi un militaire raté, un “analphabète” qui, à la seule faveur de son magnétisme, réussira à infiltrer le milieu médiatique de l’époque, franchissant une à une les étapes de l’ascension sociale.
Mais si, dans le roman, l’apprentissage amoureux s’écrivait en parallèle d’une critique des mœurs de la classe dirigeante, ce Bel Ami next-gen ne cache pas longtemps son désintérêt pour les intrigues politiques : c’est uniquement dans les histoires de coucheries que se loge son attention, dans les nombreux marivaudages menés de front par le héros avec toutes les femmes d’influence de son époque (dont l’incendiaire Uma Thurman), alternés au rythme d’un soap fiévreux grâce à l’écriture leste et au montage enlevé d’un film qui a l’intelligence (rare) de ne pas confondre romanesque et solennité.
Le plaisir grisant que procurent ces mouvements de cœurs et de bassins organisés comme autant de mini-récits emboîtés éloigne souvent Bel Ami de son horizon académique, de la reconstitution un peu pompière à laquelle, parfois, il semble succomber.
Il y a là quelque chose de l’ordre d’une pulsion érotique folle qui palpite sous les costumes – comme un film de James Ivory détraqué par l’irruption d’un corps étranger.
Ce corps, c’est celui du génial Robert Pattinson, auquel est ici offerte l’occasion de libérer des désirs et une violence longtemps réprimés (dans Twilight) ou aperçus par simples éclats (dans Cosmopolis) : sa nature d’animal blessé, en somme.