Casting première classe pour un film noir qui vire au mélo névrotique.
Deux grandes méchantes du cinéma américain, réunies dans un film.
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A l’une, il suffit de saisir un chandelier (génie du geste qui emblématise un personnage) pour que la figure de la gouvernante sadique surgisse.
Judith Anderson débuta sa carrière comme prodige des planches, faisant merveille dans des pièces de Shakespeare, Tchekhov et Pirandello. Le rôle de gouvernante malsaine que lui donna Hitchcock dans Rebecca l’abonna au cinéma à ce type de personnage, fixé par ses traits griffus et son petit chignon mesquin sur la nuque (La Vallée de la peur de Raoul Walsh, Laura d’Otto Preminger).
A l’autre, il suffit de faire retentir sa voix grave et de lancer son physique anguleux pour qu’une ombre tragique gagne la scène.
Barbara Stanwyck, aux côtés de Bette Davis et Joan Crawford, collectionna les rôles de maîtresse-femme à une époque où le public aimait pleurer et se faire sadiser par des femmes de plus de 50 ans.
La première joue la tante adoptive, la seconde la fille héritière, au sein d’un étrange mélo familial abrité derrière la façade familière du film noir.
Le scénario lance d’emblée une pelote à trois fils. Une orpheline maltraitée par sa tante se partage entre un mauvais garçon, face noire, et le fils appliqué de son précepteur, face rose.
Un soir, elle provoque accidentellement la mort de sa tante, événement qui scellera un contrat vénéneux entre les trois enfants. Trente ans plus tard, on retrouve les personnages. Ils ont grandi, ont vieilli, mais restent agis par cette scène primitive qui va leur exploser en plein visage.
C’est l’un des acteurs les plus grimaçants du cinéma américain, Kirk Douglas tout jeune, qui joue le rôle de l’ex-petit garçon appliqué, trouvant là le rôle le plus névrosé et à contre-emploi de sa carrière.
Dans le rôle du mauvais garçon, c’est Van Heflin, acteur au physique batracien qui joua surtout les seconds rôles teigneux, même si l’on se souvient aussi de lui comme l’époux benêt de la Madame Bovary de Minnelli.
Le film se concentre tellement sur le nœud passionnel intime de personnages qui ne cessent de ressasser leur enfance pour en rebattre les fatales cartes qu’il en devient un mélo névrotique. Barbara Stanwyck éclipse tous ses partenaires, évidemment.
Elle change de tenue comme on change de destin (“Il est hors de question que l’homme de ma vie me voit deux fois avec la même robe”) et porte à merveille un manteau à grande capuche qui la relie à une autre grande dame ténébreuse : la María Casarès bressonienne des Dames du bois de Boulogne.
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