Après 2 Days in Paris, Julie Delpy traverse l’océan avec sa famille dysfonctionnelle et son acuité sarcastique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pourquoi les femmes aiment-elles tant filmer le bordel ? Une langue sociologique suggère : parce que femmes et mères et amies et travailleuses, elles sont habituées à se démultiplier dans tous les sens.
Une langue féministe nuance : mais aussi parce que, assignées aux tâches de rangement à la maison pendant des siècles, quand elles se libèrent, c’est par le foutoir que s’exprime leur joie.
Après le succès de 2 Days in Paris qui la montrait aux prises avec un fiancé américain lâché dans Paris et sa famille française, Julie Delpy livre la suite américaine.
Retour à New York, l’héroïne s’est mise cette fois avec un humoriste noir, tandis que sa famille française débarque, toujours composée du père hippie dingo, de la sœur exhibo idiote et son petit ami juif et pas peu fier.
Immédiatement, la paix devient comme un lointain souvenir, voire une légende d’un autre temps : le père se livre à ses facéties dégoûtantes de vieux baba, la sœur à ses lubies sexuelles, le petit ami de sa sœur (qui est aussi son ex à elle)s’obsède sur la coolitude new-yorkaise en brandissant un code vieux d’au moins vingt ans – en gros, il voudrait être black, rappeur, imperturbable et fumeur de shit dans toutes les circonstances.
Dans le genre devenu bondé de “la comédie avec famille dysfonctionnelle”, Delpy excelle car ses idées sont comme tirées d’une expérience de vie (réelle ou non, peu importe) qui les éloigne du pittoresque laborieusement écrit de tant de ses congénères – ses trouvailles ont la fraîcheur du crayonné, à la manière de Valérie Donzelli.
Mais la vie ne suffit pas, et le goût compte aussi. Delpy a le sens des acteurs et les choisit finement – que ce soit Chris Rock, star aux Etats-Unis à la retenue subtilement effarée ici, ou Alex Nahon dans le rôle du petit ami lourdaud de sa sœur qui joue les parrains en donnant sa bénédiction à tout ce qui passe.
Et puis surtout, Delpy sous ses airs spontanés a des idées derrière la tête, c’est-à-dire qu’elle sait mettre le bordel et ordonner tout à la fois : par exemple, lors d’un dîner, elle crée la dispute nonsensique de deux sœurs dont l’une veut persuader l’autre que son enfant est autiste, tout en dressant en parallèle la discussion faussement harmonieuse d’étrangers qui en vérité ne comprennent pas un traître mot de ce qu’ils se racontent.
Une langue incessante, qui se dévide sans cesse et crée comme un vertige de solitude, finit par tenir tout le film – Julie Delpy a le rythme dans l’oreille. Et puis, même si cela n’a pas de rapport, on aime toujours autant sa beauté Renaissance à qui toutes les horreurs sont permises.
{"type":"Banniere-Basse"}