En adaptant l’un de ses textes, l’écrivaine surprend avec une belle comédie romantique lesbienne, sentimentale et optimiste.
Il y a deux ou trois idées reçues sur le cas Virginie Despentes que Bye Bye Blondie contredit d’emblée, et avec fougue. Cette vieille rumeur médiatique, par exemple, qui en a fait l’écrivaine imprécatrice trash qui n’aime rien tant que gueuler contre le monde, les bourgeois, les hommes, les mauvais coucheurs – ce qui est sûrement un peu vrai, mais insuffisant. Ou cette autre idée, largement répandue depuis le scandale provoqué par son premier film-manifeste Baise-moi (réalisé avec l’ancienne porn-star Coralie Trinh Thi), selon laquelle le féminisme ne se formulerait chez elle qu’un flingue à la main, la censure en embuscade.
Bye Bye Blondie est certes encore le récit d’une guerre menée par un couple de femmes jouisseuses contre un ordre moral et sexuel oppresseur ; les hommes y sont encore figurés comme de beaux salauds parfaitement lâches ; le tableau de la société est toujours aussi binaire. Mais toutes ces données de base n’empêchent en rien le film d’être une vraie surprise venant de son auteur (du moins selon l’idée que l’on pouvait s’en faire) : une pure comédie romantique, drôle, hypersentimentale, parfois même un peu fleur bleue.
Librement adapté de son sixième roman (la liaison hétéro est devenue lesbienne), Bye Bye Blondie chronique les retrouvailles tardives de deux femmes, Gloria (Béatrice Dalle) et Frances (Emmanuelle Béart), deux anciennes punkettes qui se sont follement aimées adolescentes dans les années 80, avant que le destin ne se charge de les séparer. L’une est devenue riche, parisienne, enfermée dans un mariage prétexte avec un écrivain frustré (Pascal Greggory, assez irrésistible), l’autre zone toujours dans les squats de province, mais c’est une même douleur qui les réunit la quarantaine finissante : le sentiment d’une passion gâchée, le retour obsédant des souvenirs de jeunesse (ici synonymes de sexe, drogue et Bérurier Noir), qui creusent encore un peu plus l’abîme du présent.
C’est ce manque que le film va se charger de combler, en recomposant l’histoire du couple dans une série de flash-backs fantasmatiques (les excellentes Soko et Clara Ponsot interprètent Gloria et Frances période 80’s) dont la finalité n’est pas de pleurer un âge teen mais d’en retrouver quelques signes ici et là, de renouer avec une énergie, un désir, que les conventions sociales n’auraient pas encore réussi à éteindre.
La grande réussite de Bye Bye Blondie tient précisément dans ce refus de la nostalgie (qui est le nihilisme des vieux), dans sa façon frondeuse de prolonger les amours et les rébellions adolescentes, qu’importe si ces personnages de quadras néopunks sont ridicules (et le couple Béart-Dalle l’est forcément un peu). Avec une candeur réjouissante, dans un style économe débarrassé des excès de Baise-moi, Virginie Despentes filme les retrouvailles électriques et pulsionnelles de ces femmes résistantes, pour qui le (no) futur s’envisage désormais à deux.
Romain Blondeau