Les cinémas britanniques et néerlandais menacent de boycotter le Alice au pays des merveilles de Tim Burton pour protester contre la décision de Disney de commercialiser le DVD moins de trois mois après la sortie du film en salles. En France, la compagnie se heurte au délai légal de quatre mois fixé par la loi Hadopi.
Le bras de fer est engagé entre le géant américain Disney et les responsables de cinémas. Victime de cet affrontement à la David et Goliath, le très attendu Alice aux pays des merveilles du réalisateur américain Tim Burton, qui pourrait voir sa sortie en salle compromise en Angleterre et aux Pays-Bas.
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Les cinémas néerlandais ont initié la fronde. Programmée pour sortir le 10 mars aux Pays-Bas, l’adaptation du conte de Lewis Caroll serait disponible dès le 1er juin en DVD, soit moins de trois mois plus tard.
Inacceptable pour les quatre grands réseaux du pays -Minerva, Pathe, Wolff et Jogchems- qui représentent de 80 à 85 % de l’ensemble des salles- et qui ont annoncé leur intention de boycotter le long-métrage.
« Disney ne respecte pas sa part du marché. Il y a un accord entre les distributeurs de films et les propriétaires de cinémas, selon lequel il doit y avoir une période d’au moins quatre mois entre la sortie d’un film en salle et le lancement du DVD », a indiqué Youry Bredewold, porte-parole de Pathé et responsable de l’association nationale des propriétaires de cinéma (NBCO) dans une interview à l’AFP.
« Cela signifie qu’il y aura moins de spectateurs en salles, puisqu' »ils n’auront pas longtemps à attendre avant la sortie du DVD », a t-il dénoncé, soulignant que le film, avec Johnny Depp et Helena Bonham Carter dans les rôles principaux, « s’annonce comme l’un des plus populaires de l’année 2010 ». (Voir la vidéo)
Alors que les Etats-Unis et l’Italie ont déjà accepté le deal, les responsables des cinémas Odeon, Vue et Cineworld, qui représentent 60% des salles en Grande-Bretagne, se sont joint à la protestation.
Disney réduit son budget marketing
Derrière le conflit se dessine une nouvelle stratégie d’exploitation des compagnies, ou en tout cas de Disney, qui table sur une sortie rapide des films en DVD, histoire de minimiser le coût du marketing.
Nathalie Dray, responsable de la communication du groupe en France, ne s’en cache pas: « Plus le lancement du DVD est proche et plus nous profitons du buzz généré par la sortie du film. L’achat se fait dans la continuité. »
Bob Iger, aux commandes de Disney depuis 2005, a initié le changement de politique. A la sortie de Là-haut en 2009, il avait déjà tenté d’imposer ce nouveau calendrier. Face à la menace des exploitants anglais d’éjecter Le drôle de noël de Scrooge de leur programmation, Disney avait abdiqué. Va t-il cette fois devoir plier ?
« Nous avons voulu adresser un message à l’ensemble de l’industrie cinématographique: si vous n’acceptez pas nos conditions, nous ne diffuserons plus jamais vos films », a précisé le Néerlandais Youry Bredewold, visiblement remonté.
Pour atténuer la colère des exploitants en salle, Disney a laissé entendre qu’il pourrait leur verser une compensation financière.
Hadopi a raccourci le délai en France
En France, « le problème ne se pose pas », explique Hortense de Labriffe, secrétaire générale du syndicat Uniciné, qui regroupe les principales sociétés de cinéma de l’hexagone (UGC, Pathé, MK2).
L’un des volets de la loi Hadopi, censé favoriser l’offre légale de films, incluait en effet un accord signé par la filière cinématographique réorganisant « la chronologie des médias ». Entré en vigueur dès juillet 2009, il a ramené de six à quatre mois le délai de sortie en DVD.
« Il est donc impossible même pour un producteur d’imposer son propre calendrier en deçà de ce délai légal », explique Hortense de Labriffe. Alice au pays des merveilles sortira donc en France le 24 mars, et le DVD ne pourra être disponible qu’en juillet prochain.
La réduction du délai avait suscité l’inquiétude des salles de cinéma françaises. « Les exploitants craignaient une baisse de la fréquentation, que les gens attendent la sortie du DVD en se disant « je vais l’avoir très vite »», indique Hortense de Labriffe. « Pour le moment, il est difficile de savoir si c’est vrai, car la fréquentation est au contraire en hausse. »
Selon le CNC (Centre national de la cinématographie), la fréquentation a en effet bondit en 2009 de 5,7 % par rapport à l’année 2008. Elle a même été « particulièrement dynamique au deuxième semestre » -soit après l’entrée en vigueur du nouveau délai-, souligne t-il.
La modification aura, conformément aux prévisions, contribué à enrayer la baisse des ventes de DVD et Blue-Ray, en hausse de 17 % en 2009. Un chiffre à relativiser : le prix de vente a nettement diminué sur la même période, avec une chute de 5% du chiffre d’affaire.
Hausse de la fréquentation ET des ventes DVD… Les chiffres viennent conforter -provisoirement du moins- les législateurs français, mais aussi la stratégie de Disney. La compagnie se défend d’ailleurs de cannibaliser les entrées en salle.
« Aujourd’hui le consommateur a accès à du contenu sur des supports multiples. Des expériences ont montré, aux USA notamment, qu’on arrive grâce à ce type de stratégie à capter une autre population », soutient Nathalie Dray.
Elle évoque notamment l’initiative de la chaîne américaine ABC de proposer les épisodes de séries en streaming sur internet dès le lendemain de leur diffusion.
Stratégie visionnaire ou volonté de faire du profit au détriment des salles de cinémas… Disney risque en tout cas de se mettre à dos les fans britanniques et néerlandais de Tim Burton, qui n’ont plus qu’à espérer une issue rapide au conflit.
La carte Pearltrees sur « Alice au pays des merveilles »:
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