Stuart Staples offre à ses Tindersticks un nouvel album lumineux et presque apaisé : les bienfaits d’une nouvelle vie dans le Limousin ? Critique.
A deux reprises au cours de l’interview, Stuart Staples réprimera un sanglot, suivi d’un interminable silence. La première fois à l’évocation d’Alain Bashung, dont l’une des chansons du nouveau Tindersticks, Black Smoke, semble ressusciter le chant de cow-boy européen. Et l’on apprend, il n’y a pas de hasard, que les deux hommes étaient devenus très proches ces dernières années. La seconde fois, plus pesante encore, à propos de Lhasa, avec laquelle l’élégant sextet anglais a souvent échangé des fluides au cours de la décennie passée.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En revanche, sur le huitième album des Tindersticks, Stuart sanglote un peu moins qu’à l’accoutumée et, sans prétendre à concurrencer Francky Vincent, Falling down a Mountain n’a rien d’une vallée de larmes embrumée sous les violons monotones. Une écoute rapide peut même désarçonner tant les Tindersticks semblent avoir ici déployé une palette de teintes et de styles inhabituellement hétéroclite. De la chanson-titre en ouverture aux vibrations hypnotiques proches d’un certain jazz spatial des seventies, jusqu’au sublime thème instrumental (Piano Music) en clôture, l’album se diffracte en plusieurs morceaux qui ne cherchent pas forcément à former un ensemble.
“Le précédent album, The Hungry Saw, avait pour mission de ressouder le groupe après une longue séparation. Celui-là nous pousse au contraire vers l’extérieur, comme s’il n’y avait plus aucune crainte désormais à étendre nos frontières.” Une ballade tremblée (Keep You Beautiful) est ainsi chassée par un pétillant Harmony around My Table auquel se frotte un boléro aux ornements mexicains (She Rode Me down), tout juste séparé par un duo qui vaut son pesant de cacahuètes avec la voix rare de la Canadienne Mary Margaret O’Hara (Peanuts)…
[attachment id=298]C’est en plein coeur du Limousin, où Staples a élu domicile depuis plusieurs années et construit un studio baptisé Le Chien chanceux, que s’est joué ce petit western immédiatement séduisant. “Peut-être nous sommes-nous montrés trop longtemps surprotecteurs avec notre esthétique. Avec le temps, on apprend à faire des entorses à nos habitudes, et les meilleurs titres proviennent finalement de cette liberté nouvelle. Les liens sont si forts entre nous que nous ne craignons plus de les rompre en laissant nos chansons dévier de leur axe initial.” Stuart Staples évoque une ambiance proche de l’état d’esprit du premier album – vieux de dix-sept ans ! – où chacun parmi le noyau originel aura eu à coeur d’épater les autres et de retrouver certains “plaisirs simples” évaporés en cours de route. Tandis qu’ils composaient en parallèle une BO âpre et abstraite pour le prochain Claire Denis (White Material), les Tindersticks auront mis dans leur album toute la douceur et la pétulance, ainsi qu’un brin de frivolité, qu’ils auraient peut-être en d’autres temps réservées à un projet parallèle. Falling down a Mountain y gagne largement au change.
Album : Falling Down a Mountain (4AD/Beggars/Naïve)
{"type":"Banniere-Basse"}