Sensation britannique du moment, les formidables Nord-Irlandais de Two Door Cinema Club pourraient aller chercher de belles noises à Franz Ferdinand, Foals ou Bloc Party. Ecoute, clips et interview, à quelques jours de la sortie de leur très attendu premier album.
ENTRETIEN
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[attachment id=298]Que pouvez-vous me dire à propos de vous-mêmes, en tant qu’individus, et en tant que groupe ?
Alex Trimble : Je pense que nous sommes des personnes assez similaires, nous sommes passionnés par les mêmes choses, les mêmes activités, la même musique. Tout tourne d’ailleurs autour de la musique, entre nous : quand nous ne sommes pas en train d’en jouer ensemble, on en écrit, ou on en écoute. C’est à peu près tout ce que nous faisons… Moi, du moins.
Kevin Baird : On va aussi beaucoup voir jouer d’autres groupes, c’est quelque chose de très important pour nous. Dès qu’on peut, dès qu’on a un jour libre pendant une tournée, on regarde qui joue le soir même dans la ville où nous nous trouvons, et nous allons les voir jouer. La musique est effectivement centrale pour nous, dans nos vies. Mais c’est sain d’avoir d’autres intérêts dans la vie ; je suis aussi très intéressé par l’histoire, par exemple.
Sam Halliday : Je suis un peu différent des deux autres quant à ma consommation de musique : je ne peux pas en absorber tant que ça, indéfiniment. Je suis plutôt un obsessif, je me concentre sur quelques trucs que j’adore, je ne suis pas un boulimique. J’adore par contre le cinéma, j’y vais dès que je peux -trois fois la semaine dernière.
Que pouvez-vous me dire de votre enfance ?
Alex Trimble : Avant que ma famille ne se fixe à Bangor, nous avons déménagé plusieurs fois –mais toujours en Irlande du Nord. J’ai une assez grande famille : mes parents sont séparés, et ils ont chacun reconstruit une famille de leur côté. C’est quelque chose d’assez important, impactant pour moi : côtoyer en permanence beaucoup de gens. C’est quelque chose d’assez positif, on se confronte à beaucoup d’avis, beaucoup de points de vue, beaucoup de styles de vie.
Kevin Baird : Enfin vous deux plus que moi. Avant d’arriver à Bangor, j’ai pas mal bougé : je suis né en Norvège, où j’ai vécu pendant trois ou quatre ans, puis on a déménagé en Ecosse, puis en Irlande du Nord. J’ai vécu à Bangor depuis. Mes parents sont Nord Irlandais, mais mon père travaille sur les plateformes pétrolières…
Sam Halliday : J’ai grandi à Bangor. Tout près d’un terrain de foot : j’y jouais absolument tous les jours quand j’étais gamin, sans exception. J’ai rencontré ces gars au lycée, on ne s’est depuis plus quittés.
C’est comment, de grandir en Irlande du Nord ? Pour être honnête, on n’interview pas des masses de groupes qui en sont issus…
Alex Trimble : Je ne pense pas qu’il y ait une différence majeure entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni. Bien entendu, jusqu’à il y a quelques années, il y avait la violence, la guerre –mais culturellement, nous sommes assez semblables aux reste du pays. Mais pour ce qui est de la musique, être d’Irlande du Nord provoque forcément des différences assez nettes. On vit sur une île, une île séparée d’une autre île. Et la coupure est géographique, physique : un bras de mer fait une grande différence pour un groupe. La ville d’où nous venons est normale, nous y avons eu une enfance et une adolescence assez classiques ; mais la scène musicale y est quand même assez nettement coupée du reste du pays.
Kevin Baird : C’est assez étrange. L’Irlande du Nord fait partie du Royaume-Uni mais sa musique n’a pas beaucoup de lien avec ce qui se passe dans le reste du pays ; elle est aussi sur le même bout de terre que l’Eire mais la scène de Belfast et la scène de Dublin ne semblent pas communiquer… Nous sommes assez isolés. Pour ce qui est de la séparation entre l’Irlande du Nord et le reste de la Grande-Bretagne, il faut savoir une chose, assez simple : traverser en ferry, avec un van, coûte près de 500 livres. Forcément, ça limite un peu la circulation des groupes…
Sam Halliday : Ca coute presque plus cher que de venir de Londres à Paris…
Cette isolation a eu un impact positif ou négatif sur votre musique ?
Alex Trimble : Je pense que ça a été très positif pour nous, en tant que groupe. On peut ou doit laisser les choses suivre leur cours de manière plus naturelle, on peut prendre un peu plus notre temps, gagner en expérience et se développer sans la pression qu’il peut y avoir autour d’un groupe de Londres ou de Manchester. Nous sommes aussi moins accessibles à l’industrie, en Irlande du Nord. Certains groupes voient les chasseurs de tête des labels débarquer dès leurs premiers concerts : si ça avait été le cas pour nous, nous ne serions même pas là pour t’en parler… On a joué sur scène pendant au moins un an et demi voire deux ans avant d’être approché, ça nous a permis d’apprendre un peu.
Quel accès aviez-vous à la musique, en Irlande du Nord ?
Sam Halliday : Il y a bien entendu des groupes en tournée, mais beaucoup d’artistes jouent dans des bars, où il est difficile d’entrer avant un certain âge, vers 16 ou 17 ans…
Alex Trimble : Je pense que ce qui nous a le plus influencé quand nous étions jeunes, vers 15 ou 16 ans, a été les groupes de Belfast. La musique y est vraiment géniale, il y a beaucoup de très bons groupes. Ca a été une chance, pour nous, de faire partie de cette scène, nous avons beaucoup appris en côtoyant ces gens. Je sais que cette scène est encore assez discrète à l’extérieur, mais ça pourrait changer : il y a de nos jours de plus en plus de groupes qui voyagent, qui tournent, qui commencent à se faire connaître ailleurs que chez eux. Ca n’a vraiment pas toujours été le cas : les groupes de Belfast avaient tendance à vivre en autosuffisance, à rester à Belfast, à ne jouer qu’à Belfast –parfois dans d’autres coins d’Irlande du Nord, parfois en Irlande. Des groupes comme And So I Watch You From Afar, General Fiasco, Panama Kings, Kowalski commencent à faire un peu parler d’eux. Nous essayons aussi de faire un peu profiter ces groupes du début de notoriété que nous avons, des chances qu’on nous offre –nous allons par exemple prendre Kowalski avec nous en tournée.
Kevin Baird : C’est parfois frustrant pour nous de voir que nos groupes préférés n’ont pas encore l’écho qu’ils méritent.
Quel type d’éducation avez-vous reçu, dans quel genre de famille avez-vous été élevés ?
Alex Trimble : Ma mère est professeur, et mon père est conférencier à l’université ; tout a donc été beaucoup basé sur l’éducation pendant mon enfance. Mais ils étaient aussi très versés dans l’art, ils m’ont donc toujours encouragé à dessiner, à peindre, à écouter ou à faire de la musique. J’ai commencé à apprendre la clarinette à l’âge de 7 ans, j’en ai joué assez longtemps, jusqu’à la fin de l’école. Je pense avoir reçu une excellente éducation, qui m’aide beaucoup dans ce que je fais maintenant. Mais ça a commencé à poser problème quand il m’a fallu choisir entre la musique et la fac : mes parents étaient alors un peu moins chauds, voire très réservés, ils voulaient que je finisse d’abord mes études. Logique, ils étaient dans leur bon droit de parents, et ils sont désormais plus supporters.
Sam Halliday : Comme je te le disais, j’ai fait énormément de sport, étant jeune. Ca a aussi été une surprise pour tout le monde quand je me suis tourné vers la musique ; c’était plutôt, habituellement, le domaine de ma sœur. Ca a un peu choqué mon père… Bangor est une ville moyenne. Il y a beaucoup d’églises, dans lesquelles sont organisées des tas d’activités pour les jeunes, notamment l’été. Des camps d’été pour les enfants, ou des concerts pour les ados, par exemple : on voit beaucoup de concerts dans des églises, à Bangor…
Kevin Baird : La culture était présente, vaguement, dans ma famille, mais pas très développée du côté de mes parents. Les envies créatives sont plutôt venues de mes deux frères aînés. Personne dans ma famille, même dans ma famille au sens large, n’est musicien, mis à part nous trois. C’est assez étrange. Je me souviens, à l’école primaire, d’un test de musique que tout le monde devait passer dans les classes. Le fait de pouvoir jouer un instrument dépendait du résultat de ce test, qui tenait surtout à la perception générale de la musique. Et ça m’a obsédé, je ne pensais qu’à ça : je ne sais pas pourquoi, mais je voulais absolument avoir ce test pour apprendre un instrument. J’ai appris le trombone.
[attachment id=298]Quelle musique écoutiez-vous ? Vous aviez des influences communes ?
Alex Trimble : Oui, c’est même ce qui nous a lié. Nous écoutions la même musique, en même temps. Adolescents, nous avons écouté beaucoup de rock, c’est à peu près tout ce que nous écoutions. Biffy Clyro, At the Drive-In, des trucs comme ça. Et des trucs un peu plus punks ou alternatifs. Nous jouions tous de la guitare, on a formé notre premier groupe, avec un autre ami –notre batteur originel. On ne faisait que des reprises de groupes que nous aimions. Puis nos horizons se sont élargis, nous avons commencé à écouter des choses un peu différentes. Un peu tout, en fait. Nous ne nous restreignons jamais à un style unique, ou à deux styles : si nous pensons qu’une chanson est bonne, nous l’écoutons, que ce soit en pop, rock, folk, dance, country, indie, n’importe quoi.
Dans les quelques interviews que l’on peut lire de vous, vous citez quelques noms –mais toujours des groupes récents ou actuels… Vos influences remontent-elles parfois un peu le cours de l’Histoire ?
Kevin Baird : Le premier groupe que j’aie adoré était les Guns’n’Roses, mais je ne pense pas qu’il m’ait particulièrement influencé… Même si les mélodies y sont assez présentes… Bon, ça m’embarrasse un peu de l’avouer, mais tout le monde traverse ce genre de phase. Tant qu’on en sort…
Alex Trimble : Quand nous étions ados et que nous écoutions du rock, j’étais totalement fan de Nirvana ou de Metallica. Mais quant aux trucs un peu plus anciens, je suis très fan des Beatles, de Stevie Wonder, de Michael Jackson ; de toute la pop classique. L’un de mes groupes préférés, celui qui reste longtemps, est Radiohead.
Pourquoi avez-vous décidé de faire de la musique ensemble ?
Alex Trimble : Comme je le disais, ce qui nous a réuni est effectivement le fait que nous écoutions à peu près ou exactement la même musique en même temps, mais aussi le fait que nous étions à peu près les seuls dans ce cas. Nous jouions tous de la guitare, et il était assez logique, dans nos esprits, que nous devions faire quelque chose de tout ça. Nous avons fait de la musique ensemble parce que nous étions amis, et nous étions amis parce que nous faisions de la musique ensemble…
Kevin Baird : Si nous avions tous les trois été fanas de football, j’imagine qu’on jouerait au football ensemble… Mais nous aimons la musique.
Et aviez-vous des projets, à cette époque ?
Kevin Baird : Comme tout le monde, au début : jouer du rock et monter sur scène. Puis éventuellement intéresser un label. Mais tout est monté très progressivement. Nous n’avons réalisé que petit à petit ce que nous aimions réellement, ce que nous voulions vraiment faire. A savoir être capable de quitter la fac pour jouer de la musique à plein temps, jouer dans un groupe de rock à plein temps, essayer de publier un album.
Musicalement, vous aviez quelque chose en tête ?
Sam Halliday : Nous sommes d’abord passés par une phase de rock assez simple. Mais c’était un peu la facilité, et ce n’était surtout pas terrible… Nous avons joué quelques concerts devant quelques personnes : ce n’était agréable ni pour elles ni pour nous. Nous nous sommes posé des questions, et nous nous sommes demandé ce qui nous plaisait réellement. Et nous nous sommes rendu compte que nous voulions que les gens prennent du plaisir en écoutant des morceaux sur lesquels ils pourraient danser, et que c’était très justement ce que nous aimions également jouer.
Alex Trimble : Oui, rien de très compliqué : nous voulions voir les gens danser sur notre musique, et passer du bon temps. Il nous suffit de ça pour nous rendre heureux.
Pourquoi cette importance de la danse ? Vous placez quelque chose de symbolique, derrière cette envie de faire danser les gens ?
Alex Trimble : Je ne sais pas, je ne pense pas. C’est toujours formidable de sortir et de voir les gens danser et prendre du plaisir à faire quelque chose –ce qui est en définitive assez rare. C’est juste un sentiment positif : que quelque chose que tu crées puisse avoir un effet sur les gens. Que ce soit en dansant ou en étant touché par les paroles, d’ailleurs : nous ne nous limitons jamais au paramètre physique.
Votre musique s’adresse à la tête comme aux jambes…
Alex Trimble : Oui, et il y a une différence entre nous voir sur scène et écouter notre album. On peut venir à nos concerts et juste s’amuser et danser, alors qu’il y a des subtilités sur l’album qu’on n’entend pas forcément sur scène. Nous voulions que l’album soit quelque chose qui se savoure dans la durée, qu’on puisse l’écouter plusieurs fois en découvrant de nouvelles choses à chaque fois, qu’il y ait un sens derrière chaque chanson.
[attachment id=298]Vous mentionnez beaucoup de rock, mais quelles sont vos influences dans la musique électronique ?
Kevin Baird : Nous avons tous grandi en écoutant Daft Punk, sans doute le groupe qui nous a le plus marqué dans la musique électronique. Le premier aussi à toucher le grand public, à être joué sur Radio 1, on ne pouvait pas passer à côté. En grandissant, nous avons écouté de plus en plus de musique électronique, mais aussi de plus en plus de musique tournée vers l’électronique sans l’être complètement. The Postal Service, par exemple ; nous étions fans de Death Cab For Cutie, nous avons découvert The Postal Service par ce biais.
Et il y a eu le départ de votre batteur, qui a plongé Two Door Cinema Club, techniquement, dans l’électronique…
Alex Trimble : Oui. Il a quitté le groupe rock car il voulait faire autre chose, tout simplement. Nous voulions rester ensemble. Et nous ne l’avons pas remplacé, sinon par un ordinateur et des beats… Son départ est sans doute l’un des événements qui a le plus façonné notre manière de faire de la musique.
Il y a aussi une légère influence afropop ou afrobeat dans ce que vous faites… C’est une inspiration directe, ou ça vient de l’écoute de groupe récents qui eux ont été directement influencés par la musique africaine ?
Alex Trimble : Nous sommes assez conscient de cette influence, mais sur une chanson surtout, Something Good Can Work. Je ne sais pas si c’est très présent sur le reste de l’album, même s’il y a quelques reflets ici ou là. Quoiqu’il en soit, ce n’est pas quelque chose de consciemment voulu pour nous, c’est une influence effectivement très indirecte. Le fait d’avoir un laptop avec nous a poussé à expérimenter le plus possible, surtout sur les rythmiques. Mais nous n’avons jamais vraiment écouté d’afrobeat. Par contre, nous sommes très fans de The Very Best, et j’imagine que ça a eu un impact sur notre manière de créer nos beats… Si influence il y a, elle est réellement subconsciente.
Sam Halliday : Sur Something Good Can Work, l’idée était vraiment de faire une chanson pour le dancefloor, ou plutôt pour les dancefloors ; quelque chose d’universel, que tout le monde pourrait danser un peu partout dans le monde. Et j’imagine que la musique africaine est sans doute ce qu’il y a de plus universel : on en a pris les rythmes pour essayer d’en faire un morceau pop.
Kevin Baird : Nous ne disposons pas d’archives géantes de rythmes pour notre laptop : nous expérimentons, on essaie de trouver ce qui nous plaît. Il y a forcément des choses qui filtrent…
Les rythmes sur l’album sont tous électroniques ?
Alex Trimble : Nous avons commencé par de la programmation. Un batteur est ensuite venu et a joué certains des morceaux : nous avons enregistré ses prises, les avons découpées et les avons reprogrammées sur ordinateur. Il y a aussi beaucoup de rythmes ou de beats qui viennent de nous, cognant sur des objets divers et variés. Nous utilisons tout ce qui nous semble devoir être utilisé pour que le morceau nous semble bon.
Vous êtes comparés à beaucoup de groupes : certains de ces comparaisons vous flattent ? D’autres vous énervent ?
En chœur : Les Wombats.
Kevin Baird : Je ne comprends pas pourquoi nous sommes si souvent comparés à eux, j’ai l’impression de n’avoir pas grand-chose en commun avec ce qu’ils font… On a aussi été comparé aux Cure, ce qui nous va… (sourire) Le plus marrant est que certaines de ces comparaisons nous sont parfois utiles : on nous a aussi beaucoup comparés à Phoenix, et nous n’avions jamais écouté Phoenix avant cela. Depuis, nous les avons écoutés, et nous sommes totalement fans. On a signé sur le même label qu’eux, aux Etats-Unis, on va tourner avec eux : fantastique.
Quelle est, selon la philosophie de Two Door Cinema Club, la définition d’une bonne chanson ?
Alex Trimble : Je crois que pour nous trois, une mélodie forte est centrale dans une chanson. Quelque chose dont les gens se souviennent longtemps après l’avoir écouté. Nous sommes très perfectionnistes quant à l’écriture de morceaux : nous écrivons beaucoup, beaucoup, beaucoup, et si quelque chose ne nous reste pas à l’esprit, si quelque chose nous semble ne pas aller, ne pas être naturel, nous le jetons et nous lançons dans autre chose. Jusqu’à trouver quelque chose sur lequel nous nous retrouvons tous les trois. Quand on écrit une chanson et qu’on se retrouve, inconsciemment, à la chanter trois jours après, c’est plutôt très bon signe…
Ce perfectionnisme explique pourquoi vous avez-mis si longtemps à écrire l’album ?
Alex Trimble : Je ne suis pas certain que les choses puissent se dire comme ça. Nous nous sommes développés progressivement, et nous avons attendu d’être vraiment prêts avant de nous présenter au monde. Nous avons pris notre temps, c’est tout. C’est ce que nous avons toujours fait.
Cette envie de ne pas aller trop vite, de rester un peu en marge, explique aussi le fait d’avoir signé avec Kitsuné ?
Alex Trimble : Clairement, oui. Nous voulions être en contrôle. Le groupe est notre vie : nous ne voulions pas nous retrouver sous la coupe d’une armée de gens, dans un gros label, à ne rien contrôler. Nous voulions avoir un peu de temps, nous voulions avoir notre album avant de faire de vraies tournées, ce genre de choses.
Kevin Baird : Etre dans un groupe est une histoire de passion. Le management, tous ceux qui se trouvent derrière un groupe et travaillent avec lui doivent aussi être des passionnés, ça n’a aucun sens si ce n’est pas le cas, et je ne suis pas certain que ce soit le cas quand on parle de grand labels, de groupe industriels qui cherchent le profit à tout prix. Nous voulions nous associer à des gens qui aiment la musique autant que nous l’aimons.
Alex Trimble : La décision n’a pas été difficile. Nous avons été approchés par beaucoup de labels, nous avons intéressés pas mal de gens. Des majors ou des indépendants. Mais nous ne nous sommes réellement sentis bien qu’avec les gens de Kitsuné. Je pense que nous sommes assez bons pour lire les gens, et nous savons assez bien détecter les intentions derrière les discours : celles de Kitsuné étaient parfaites pour nous, le choix tombais sous le sens. Ce sont des gens vraiment passionnés, ça les a motivé, ils voulaient vraiment nous aider, dans tous les domaines, que ce soit la musique ou tout ce qui tourne autour. Ils voulaient que notre vision se réalise.
[attachment id=298]Quelle était cette vision ?
Alex Trimble : Avec une major, nous courrions un risque, celui d’aller trop vite. Une major aurait pu nous projeter sur le devant de la scène en quelques semaines, ça aurait fait un grand « boom » –mais que ce serait-il passé ensuite ? Je me répète, mais prendre notre temps était réellement quelque chose de primordial pour nous. Nous voulions faire les choses étape par étape, commencer par nous constituer une base de fans, prendre notre temps pour enregistrer. Nous voulions créer notre propre carrière, sur la durée, plutôt que de s’exciter pendant quelques années puis ne plus pouvoir rien faire. Dans notre esprit, nous sommes là pour durer, aussi longtemps que possible.
Kitsuné est un label assez hype… C’est quelque chose de simple à gérer, pour vous ? Quelque chose de positif ? Ou un danger ?
Kevin Baird : Ils sont perçus comme un label hype comme nous sommes perçus comme un groupe hype. Mais nous ne sommes pas un groupe hype : ça fait déjà quelques années qu’on traîne, qu’on progresse. Eux aussi sont là depuis des années, ils ont leurs compilations, leur ligne de vêtements, mais ça s’est construit sur la durée, graduellement, ça n’a rien d’un truc instantané. Et ce n’est pas parce qu’ils sont respectés ou cités par des gens considérés comme hype que ça en fait un label hype, du moins ce n’est pas sa substance, qui est bien plus profonde que ça.
Alex Trimble : Nous essayons de toute façon de ne pas prêter attention à tout cela. Tout ce que nous faisons, nous l’avions prévu et planifié avant de le faire, nous ne nous laissons pas trop influencer par ce qui se passe autour de nous. Nous avançons un jour après l’autre.
Kevin Baird : Nous avons déjà tourné plein de fois en Grande-Bretagne, nous avons déjà joué dans la plupart des payes européens : je pense que nous avons déjà largement dépassé le stade du phénomène instantané, mais qui se consume en quelques mois…
Et Kanye West, qui poste une de vos vidéos sur son blog ?
(ils se marrent)
Alex Trimble : Assez improbable, on ne sait pas pourquoi, il l’a fait sans prévenir, ça nous est tombé dessus et ça nous a fait plutôt marrer. Ca a surtout eu un impact important sur le nombre de personnes ayant vu notre vidéo : le lendemain, on avait 50 000 vues sur YouTube, un truc incroyable. Une pub incroyable pour nous : ce type est une célébrité mondiale, son blog est lu par des dizaines de milliers de gens dans le monde, je pense que ça nous a permis d’acquérir quelques nouveaux fans. Surréaliste.
Vous êtes d’abord réputés sur scène… Quand est venu le temps d’enregistrer l’album, quelle a été votre philosophie ?
Kevin Baird : Nous voulions que l’album soit relativement différent de ce que nous délivrons sur scène. Mais que l’énergie soit intacte. Nous ne voulions pas un album plat, mais nous ne voulions pas non plus qu’il y ait un énorme fossé entre l’énergie du live et ce qu’on entend sur l’album. Il fallait capturer l’énergie, mais la modifier un peu. On voulait un peu moins de rudesse que sur scène.
Sam Halliday : Je crois que nous voulions faire un album accessible, écoutable, délesté d’un peu de distorsions, de certains éléments un peu rudes.
Alex Trimble : On enregistre absolument chaque chanson que nous écrivons. Ca nous a pas mal aidés quand nous sommes entrés en studio, ça nous a donné une idée de ce que nous voulions faire, de la direction que nous voulions prendre sur disque.
Votre producteur a été important, dans ce processus ?
Alex Trimble : Absolument. Nous avons eu la chance incroyable de travailler avec Eliot James. Il était toujours sur notre longueur d’onde, nous n’avons jamais eu de désaccord, pour la simple et bonne raison qu’il a parfaitement compris où nous voulions en venir, qu’il partageait totalement notre vision de la chose. Il a aussi apporté quelques idées, ou transformé des idées que nous avions en choses plus pratiques. Quand nous enregistrons chez nous, c’est avec un micro et un ordinateur ; là nous sommes entrés dans un studio totalement équipé, avec une table de mixage géante, des micros par dizaines, et surtout du temps. Ca nous a permis d’en mettre beaucoup plus dans nos chansons.
Kevin Baird : Les chansons étaient déjà majoritairement écrites, mais tout ceci, le temps, Eliot et l’équipement, nous a permis d’apporter beaucoup plus de nuances aux morceaux, et de nous concentrer aussi sur les points électroniques de notre musique.
Thomas Burgel
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