Le créateur de The Wire crée un nouvel événement avec Generation Kill, qui suit les pas d’une unité de reconnaissance de l’US Army en Irak.
Alors que sa nouvelle création, intitulée Treme, débutera sur HBO en avril, il n’est pas inutile de revenir sur le travail de David Simon, cerveau de The Wire, depuis la fin de sa grande série en 2008. Pendant l’été de la même année, la chaîne câblée la plus audacieuse de la galaxie a diffusé les sept épisodes de Generation Kill, chapeautés par Simon avec son partenaire favori, Ed Burns, et un journaliste d’investigation à Rolling Stone, Evan Wright.
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Cette mini-série est adaptée d’une suite d’articles publiés par Wright, dans lesquels il détaille son quotidien de journaliste embarqué avec une unité de reconnaissance de l’armée US en Irak, au début de l’invasion décidée par George W. Bush. Un sujet brûlant, même si l’attention médiatique et politique s’est désormais reportée vers l’Afghanistan (mais pas celle du cinéma : le 14 avril sortira Green Zone, le film de Paul Greengrass sur le mensonge des armes de destruction massives). Tout à fait consciente de la teneur de son sujet mais pas pour autant impressionnée, Generation Kill propose une plongée dans le quotidien, fait de peur et d’ennui, de soldats envoyés sur place sans préparation. Grosse chaleur en perspective.
L’hébétude des hommes confrontés à leur mortalité et à l’indifférence du monde est récurrente chez David Simon. The Wire avait tenu ce fil moral et narratif captivant durant cinq saisons. Ici, le temps manque pour parvenir au bout d’une aventure aussi forte. Mais Generation Kill reste une oeuvre singulière, anormalement précise et déroutante, notamment dans sa façon de passer sans transition du plus trivial (les blagues made in US Army) au plus saisissant (la mort qui rode, partout). Moment fort et absurde à la fois : la rumeur de la mort de Jennifer Lopez fait tourner les têtes de manière démesurée. Au contact de l’action, phobies, traumas et désirs enfouis refont surface chez les soldats, à l’image d’un petit GI qui baragouine, calé dans son blindé : “Tous ces cadavres qu’on a vus sur le bord de la route aujourd’hui, je regrette une seule chose : ne pas avoir pu les zigouiller moi-même.” Quelques secondes plus tard, suit une blague de cul.
Pour la gloire de l’armée américaine, on repassera. Néanmoins, le but de Generation Kill n’est pas une dénonciation braillarde de la politique de Bush – d’autres l’ont fait. Il ne s’agit pas non plus de chercher des excuses à la folie des combattants, mais plutôt de démontrer l’inanité d’un conflit sans objet, tout en conservant un point de vue 100 % américain. Subvertir un regard de l’intérieur, en un mot. Le tour de force s’avère saisissant, d’autant que la manière est indirecte. Ici, la fiction chuchote, dans le détail de scènes ciselées au coeur du désert oppressant. S’il fallait désigner les contributions majeures à la compréhension des années 2000, et du conflit irakien en particulier, Generation Kill figurerait en haut de liste, avec notamment de Redacted, le film halluciné de Brian De Palma.
Generation Kill, série de David Simon, tous les vendredis, 20 h 35, NT1
La carte Pearltrees de « Generation Kill »
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