Des libertariens américains veulent créer des sociétés modèles dans les eaux internationales. Pour un idéal social ou un libéralisme exacerbé ?
La politique vous ennuie et vous rêvez d’un nouveau modèle de société. Pourquoi ne pas tester, grandeur nature, le mode de gouvernance qui vous correspond le mieux ? Une poignée de libertariens américains vont peut-être rendre leur rêve possible. L’idée : ériger plusieurs villes indépendantes sur des plates-formes maritimes plantées dans les eaux internationales et assigner à chacune d’elles une organisation politique différente et innovante. Les citoyens de tous les pays seront alors invités à tester l’organisation de chaque cité, avec la possibilité de passer librement de l’une à l’autre si un système ne leur convient pas. Une utopie louable dont la colonne vertébrale pourrait être, surtout, la volonté d’échapper aux impôts…
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Je trouvais que le choix entre les différents systèmes politiques existant dans le monde était finalement assez faible, raconte Patri Friedman, initiateur du projet. Après avoir étudié les aspects économiques et pratiques à la base des nations, je me suis dis qu’avoir l’océan pour seule frontière de l’humanité serait la meilleure façon d’arriver à de meilleurs gouvernements. »
Cette utopie, Patri Friedman, petit-fils du prix Nobel d’économie Milton Friedman, un théoricien du libéralisme, y songe depuis des années. En 2008, après des études d’informatique et un séjour chez Google, ce passionné de philosophie politique se lance en créant le Seasteading Institute. Un organisme chargé de recueillir des dons en vue de soutenir des projets de seasteads, nom donné à ces places maritimes, et qui reçoit très tôt l’appui financier de Peter Thiel, cofondateur de PayPal et premier investisseur de Facebook.
Un défi financier
Depuis quatre ans, l’institut tente de convaincre les entrepreneurs privés d’édifier leur propre îlot, promettant de soutenir financièrement les premiers qui se lanceront. Avant cela, il a fallu s’assurer de leur compatibilité avec le droit international, et faire plancher des ingénieurs sur la meilleure façon de construire sa propre ville en mer. « Mais le principal défi reste financier, explique Randolph Hencken, directeur général du Seasteading Institute. Les technologies permettant à une communauté océanique d’être autosuffisante existent déjà. On peut aujourd’hui construire des plates-formes capables de résister à des tempêtes pendant plus de cent ans. On commence à maîtriser les techniques de désalinisation pour créer de l’eau potable. Sans parler des énergies renouvelables capables d’alimenter la ville en électricité. »
Un exemple de ce à quoi pourraient ressembler ces minuscules cités
Le coût de la vie dans l’océan et les opportunités professionnelles devraient être suffisamment prometteurs pour convaincre les gens de venir s’y installer, veut croire Randolph Hencken. Dès 2014, un projet pilote verra d’ailleurs le jour. Baptisé Blueseed, il consistera en un bateau de croisière stationné dans les eaux internationales, à quelques miles de la côte californienne, et dans lequel embarqueront « une centaine d’entrepreneurs de génie du monde entier ». Moyennant un loyer de 1 200 à 3 000 dollars par mois, des startups du monde entier pourront s’y installer sans avoir à justifier d’un visa de travail américain et en échappant donc à la législation. Cette Silicon Valley offshore suscite déjà l’intérêt de PME de 52 pays différents.
Lors d’une conférence à San Francisco, le 31 mai, les responsables du projet ont admis être « un peu optimistes en envisageant des cités flottantes autosuffisantes pour 2015 » et tablent plutôt sur 2020. Quelle que soit l’année, on est en tout cas bien loin de L’Utopie, oeuvre à caractère social de l’humaniste Thomas More.
{"type":"Banniere-Basse"}