Une love story radieuse et bouleversante entre des adolescents obsédés par la mort.
Une fille aime un garçon qui aime un fantôme. L’équation est nouvelle dans le cinéma de Gus Van Sant et l’on serait tenté, par habitude ou facilité, de chercher sa résolution dans les creux d’une filmographie aussi dense que fragmentaire : ici les visages d’anges adolescents cernés par la mort, là le vieil air de spleen de Portland, ou encore cette idée que tous les malheurs (même le plus immuable, le cancer) peuvent s’adoucir au contact des autres (un jeune meurtrier libéré de ses tourments par l’amour d’une fille dans Paranoid Park ; l’écrivain ermite Forrester revenu dans le monde grâce à l’amitié).
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Mais une fois l’inventaire des motifs du cinéma de Gus Van Sant dressé, une fois l’assurance d’être en terrain conquis, que reste-t-il de Restless ? Une pièce isolée dans le grand puzzle théorique de son auteur ?
“Un film mineur”, comme on a pu l’entendre au dernier Festival de Cannes (où il était présenté en ouverture d’Un certain regard) ? Un peu de tout ça, certainement : un film discret, moins ambitieux, entre les récits édifiants du grand Hollywood (Harvey Milk) et les objets plus conceptuels (Elephant, Gerry…). Entre le lyrisme orchestral et les sonorités minimales : une ballade folk, en somme.
Mais cette vraie modestie, qui dicte la forme du film (cristalline) et sa matière romanesque (une simple love story adolescente), traduit surtout un certain accomplissement de son auteur, une sérénité retrouvée qui donne son timbre, gracieux, réconcilié, bienveillant, à Restless.
Et préside à la trajectoire de ses personnages : un jeune garçon mutique (la révélation Henry Hopper) qui, bouleversé par le décès de ses parents, s’incruste aux enterrements d’étrangers et parle à un fantôme japonais ; une jeune fille expansive (Mia Wasikowska), qui trompe l’imminence de sa propre mort (une tumeur au cerveau l’a condamnée très tôt) par la soif de savoir.
Les deux adolescents romantiques, isolés du monde adulte (certes désarmé, mais filmé avec une rare empathie), auront trois mois pour s’aimer, avant que le cancer ne fasse son œuvre.Un temps de transition, une sorte de purgatoire dont la fatalité aurait pu enfermer Restless dans le ressassement morbide ou la douleur.
Mais Gus Van Sant choisit la trajectoire exactement inverse : il déplace le mélodrame vers la comédie sentimentale, vers le feel good movie murmuré où la maladie n’est plus que le contre-champ d’une (bouleversante) romance adolescente.
C’est moins l’apprentissage de la mort (dont ils sont déjà très familiers) que celui du sexe, de l’amitié – bref de la vie – auquel se livrent les deux amants, progressivement dépouillés de leur déguisement gothique. “Ça m’a passé”, dira le personnage d’Henry Hopper, le corps en équilibre sur un pont, évoquant son vieux désir de suicide.
“Ça m’a passé” : le secret d’un grand film mineur, d’un cinéaste revenu des mythologies d’outre-tombe.
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