Le réalisateur d’Azur et Asmar renoue avec le théâtre d’ombres. Un retour réussi et pétri de valeurs humanistes.
Les Contes de la nuit (prix Henri-Langlois du film d’animation et de l’image animée) reprennent les “meilleurs épisodes” de Dragons et princesses, la série produite et diffusée par Michel Ocelot sur Canal+ en octobre dernier.
Un garçon, une jeune fille et un vieil homme (sans doute Michel Ocelot lui-même) sont réunis dans la pénombre d’une salle de projection. Ensemble, ils s’amusent à choisir un conte traditionnel et à se déguiser pour l’interpréter devant nous devant des décors magnifiques. Cinq contes vont ainsi défiler, nous plongeant au cœur de différentes cultures.
Bonne nouvelle : onze années après Princes et princesses (un montage des courts métrages d’animation que Michel Ocelot avait réalisés avant le succès mondial de son premier long, Kirikou et la sorcière), Michel Ocelot renoue avec le théâtre d’ombres, ce procédé né en Extrême-Orient qui fut très à la mode au temps des lanternes magiques et des découpages en papier au XVIIIe siècle, et fut ensuite repris avec génie par certains des plus brillants représentants de la grande école d’animation tchèque du milieu du XXe siècle. Un art éminemment suggestif, qui ne nous montre que la silhouette noircie des personnages.
Bonne nouvelle parce que Michel Ocelot a eu une idée cinématographique assez géniale : superposer à ce théâtre d’ombres ancestral l’actuel relief 3D. Cette technique, loin de créer une superposition d’à-plats (ce qui était par exemple le cas du paresseux Chat du rabbin de Joann Sfar, sorti il y a peu), donne naissance à une vision inconnue à ce jour : du relief dans le noir.
Pour essayer de dire les choses clairement (ce qui n’est pas facile pour décrire un effet inédit), grâce au relief, il est devenu possible de superposer plusieurs silhouettes sans qu’elles semblent se confondre à notre regard dans une obscurité uniforme. La beauté des décors foisonnants, des enluminures d’Ocelot (son point fort depuis toujours), issus de l’imagerie traditionnelle des contes folkloriques, s’en trouve rehaussée.
Paradoxalement, ce cinéma-là a presque plus de vie, que le lissage de la peau et des mimiques qu’imposait l’image de synthèse au précédent film d’Ocelot, pourtant très beau, Azur et Asmar.
Il serait aisé de formuler quelques reproches à l’encontre du cinéma de Michel Ocelot : un goût pour un certain exotisme qui véhicule et reproduit des clichés désuets sur tel ou tel peuple lointain. En d’autres temps, nous aurions pu ressentir une certaine gêne ou lassitude vis-à-vis de cette représentation du monde.
Il serait facile aussi de sourire, même gentiment, de son idéologie naïve, faite de bons sentiments universels à l’égard de toutes les cultures. Mais en ces temps triomphaux de zemmourisme badin, nous préférons sans mesure applaudir à ses valeurs humanistes universelles, quitte à passer pour des bien-pensants.
Merci à Michel Ocelot de ne pas se laisser aller au cynisme ambiant.