Ce dimanche soir, on assisté à un premier tour de confirmation de la présidentielle. Reste à connaître le périmètre de cette majorité. Revue des enjeux de ce premier tour.
Nette victoire de la gauche à prévoir
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Comme à chaque élection législative après une présidentielle, la règle s’est encore vérifiée : les Français ont donné une majorité au pouvoir élu à l’Elysée. Cette fois-ci la gauche. L’objectif du PS est de décrocher seul la majorité absolue, soit 289 sièges sur les 577 que compte l’Assemblée nationale. Qu’en sera-t-il ? Si la victoire de la gauche est nette en ce soir du premier tour, pour le moment, il est difficile de savoir si le PS pourra se passer du soutien de ses partenaires, à commencer par celui d’Europe écologie les verts. Pour le savoir, il faudra attendre le second tour du 17 juin.
Mais il est d’ores et déjà clair qu’une majorité de gauche se dessine entre le PS et ses alliés. Reste à connaître précisément le périmètre de cette majorité et le nombre de députés. Selon TNS Sofres, la majorité présidentielle (PS, divers gauche, écologistes d’EELV) obtiendrait la majorité absolue à l’Assemblée nationale dimanche prochain, même selon le scénario le moins favorable. Selon une deuxième projection en sièges affinée et basée sur les résultats du 1er tour, le PS et ses alliés PRG, MRC et divers gauche recueilleraient de 285 à 320 sièges, le milieu de la fourchette se situant à 302. En ajoutant Europe écologie les verts, qui est crédité de 14 à 20 sièges, cela ferait au minimum 299 sièges, dix de plus que la majorité absolue à l’Assemblée.
Conséquence : cela renforce la légitimité du président Hollande et du gouvernement Ayrault qui avaient demandé aux Français de donner « une majorité au changement ». Pour autant, les ténors se sont succédés tout au long de la soirée pour souligner que rien n’était fait et qu’il fallait revenir le 17 juin pour voter à nouveau.
Plusieurs ministres ont cependant été élus dès le premier tour, à commencer par le Premier d’entre eux : Jean-Marc Ayrault. On compte aussi Laurent Fabius, Bernard Cazeneuve, Delphine Batho, Victorin Lurel et Frédéric Cuvillier. Les ministres Le Foll, Pinel, Filippetti se retrouvent en ballottage favorable. Situation délicate : Ségolène Royal à la Rochelle. Elle est arrivée en tête, mais le candidat dissident Olivier Falorni a décidé de maintenir sa candidature et la droite pourrait le soutenir pour éjecter l’ex-candidate à la présidentielle. Au PS, on cherche aujourd’hui à se dépatouiller de cet imbroglio et à « sauver le soldat Royal », un soutien fidèle du Président pendant la campagne.
Abstention, reine du premier tour
C’était prévisible. Après une primaire et une présidentielle, les Français ont semblé fatigués de retourner une nouvelle fois aux urnes pour les législatives. Sous la pluie qui plus est ! La lassitude s’est donc traduite par une forte abstention, environ 42%, conséquence d’une campagne atone avec peu de meetings nationaux, peu de débats, peu de passion. De quoi souligner aussi dans la tête des Français la prééminence de l’élection présidentielle sur l’élection législative. Pour beaucoup, le boulot était fait le 6 mai. L’UMP, elle, a lu dans ce score un manque « d’appétit de gauche », selon l’expression de Jean-Pierre Raffarin. Pour autant, une des conséquence de cette abstention, bénéficiant tant à la gauche qu’à la droite, est bien la réduction du nombre des triangulaires. Pour se maintenir au second tour, un candidat doit obtenir 12,5 % des inscrits. Mais avec une abstention de 40%, cela implique, pour se maintenir au second tour, d’obtenir, 20% des votes exprimés. Compliquant de facto la tâche des candidats du FN.
L’UMP limite la casse
Conséquence logique de sa défaite à la présidentielle, l’UMP a enregistré une forte baisse au premier tour des législatives par rapport à son score de 2007. Pour autant, elle enregistre en principe 34-35% des voix, selon les estimations contre 47% pour la gauche. Mais, martèlent les ténors de l’UMP, à commencer par Jean-François Copé, l’UMP enregistre un score à peu près égal à celui du PS si on ne lui ajoute pas les résultats de ses alliés. En somme, le premier parti de l’opposition se maintient bien, a fortiori depuis qu’il n’a plus de leader national et que commence à poindre une bataille d’égos. L’UMP pourrait avoir entre 210 à 240 députés contre 313 aujourd’hui. Les ex-ministres résistent bien, comme Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, François Baroin, Bruno Le Maire, etc., tous bien partis pour l’emporter. A l’inverse, Rama Yade a été battue dès le premier tour dans les Hauts-de-Seine où aucun élu UMP n’a réussi à passer la barre du premier tour. Quand à NKM, l’ex-porte parole de Nicolas Sarkozy, elle ne devance le candidat socialiste que de trois points, ce qui la place dans une situation de ballotage défavorable pour le second tour.
Ce lundi, un bureau politique extraordinaire est prévu au siège de l’UMP à 15h pour adopter une stratégie en cas de duel PS-FN. Que faire alors ? A priori, le parti devrait s’acheminer vers la stratégie du « ni-ni ». Ni FN, ni front-républicain .
« Il n’y a pas d’alliance avec le FN du point de vue électoral, a répété Jean-François Copé. On discutera demain (lundi) de la position à adopter », avant d’ajouter ambigu : « Faut-il soutenir des candidats du PS qui associent les voix du Front de gauche ? Doit-on cautionner cela, je n’en suis pas sûr ? »
Autre ambiguïté, Nadine Morano a appelé les électeurs du FN à se porter sur son nom au second tour. Pas de quoi gêner Jean-Pierre Raffarin : « On a toujours fait appel à tous les électeurs de la République, ça n’a rien à voir avec un accord politique du FN ! On ne peut pas, puisque nous n’avons pas les mêmes valeurs. » Ces dernières semaines, pourtant, une inquiétude s’est fait sentir : Roselyne Bachelot et Chantal Jouannot, toutes deux ex-ministres ont indiqué qu’elles voteraient à gauche si elles étaient confrontées à ce type de duel FN-PS.
Jubilation de Marine Le Pen
Grand sourire et aucune envie de réprimer les applaudissements. Avec 42% pour la circonscription du Pas-de-Calais, et 48% pour la ville d’Hénin-Beaumont, Marine Le Pen remplit son pari de s’imposer face à Jean-Luc Mélenchon et face au candidat du PS. Reste à savoir si la gauche se rassemblera suffisamment pour la battre. Triomphante, elle a renvoyé Jean-Luc Mélenchon dans ses cordes : « l’échec de Jean-Luc Mélenchon démontre la déconnexion totale entre lui et l’électorat populaire, dans une circonscription de gauche qui n’a pas adhéré à sa campagne brutale, bobo et méprisante ». Plus tard, elle a confié, mi-provoc mi-revencharde : :
« Il n’est pas une force d’avenir, pas une force voulue par les Français. Il n’a pas gagné la revanche, il repartira à Paris, moi je reste là. »
Le FN joue là son entrée à l’Assemblée nationale d’où il est absent depuis 1988. Le parti espérait montrer que la dynamique de la présidentielle ne s’est pas essoufflée. Avec un score de 13,4% au premier tour des législatives contre 17% à la présidentielle, l’objectif est atteint. Reste à savoir si le parti obtiendra des élus. Marion Maréchal Le Pen et Gilbert Collard sont arrivés en tête respectivement dans le Vaucluse et dans le Gard. Deux bonnes nouvelles pour le FN. Une chose est sûre : Marine Le Pen impose le FN comme la troisième force politique et valide la stratégie de dédiabolisation qu’elle a mise en œuvre. Elle ressort renforcée en interne et entre dans le peloton de tête des figures d’opposition au gouvernement. Ce lundi, un bureau politique extraordinaire est fixé au FN à 17h. Les candidats ont jusqu’à mardi pour choisir de se maintenir ou de se retirer.
Coup de tonnerre au Front de Gauche
Jean-Luc Mélenchon ne sera pas candidat au second tour à Hénin-Beaumont. Distancé largement par Marine Le Pen dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, il arrive aussi derrière le candidat du PS, Philippe Kemel. Face au FN, la tradition républicaine veut donc qu’il se désiste en faveur du candidat de gauche le mieux placé. Ce 10 juin, Jean-Luc Mélenchon ne pouvait cacher ni sa déception, ni sa mine abattue, alors qu’il avait déjà été battu par Marine Le Pen à la présidentielle :
« Notre concurrent à gauche reste devant nous. Il est normal qu’on soit déçu. On rêve toujours de marcher devant, mais on ne doit pas se laisser abattre. La grande roue de l’histoire est en marche. » Et d’ajouter : « Ce soir c’est le cœur paisible que je vais quitter cette scène mais par ce département, je vais essayer de vous être utile encore ».
Cette défaite est une défaite personnelle pour Jean-Luc Mélenchon et une défaite pour le Front de gauche. Dans cette campagne éclair, entamée au lendemain de la présidentielle, le Front de gauche n’a pas réussi à exister au moment où le président Hollande et le gouvernement Ayrault polarisaient l’attention. Dès lors, au moment où Mélenchon concentrait ses efforts à Hénin-Beaumont, le Front de gauche semblait peu audible au niveau national, sans savoir s’il fallait être dans l’opposition à la majorité présidentielle ou dans l’accompagnement du changement autour du PS.
Trois questions subsistent : quelle sera la place de Jean-Luc Mélenchon dans l’entre-deux-tours ? Quel sera le nombre de députés du Front de gauche élus au soir du 17 juin ? Le Front de gauche visait un groupe de 30 élus. L’objectif semble difficile à atteindre eu égard aux premiers résultats. Aujourd’hui, on en compte 19 : 16 députés communistes et 3 du parti de gauche. Deuxième question, la participation gouvernementale. Si le Parti de gauche a déjà tranché ce débat en refusant d’accepter tout portefeuille ministériel, le PCF doit se prononcer via une consultation des militants les 18 et 19 juin puis une conférence nationale le 20. A priori, il ne devrait pas y entrer non plus.
Europe écologie les verts, l’incertitude
L’accord signé pour les législatives avec le PS devait garantir aux écologistes un groupe à l’Assemblée nationale. Parviendront-ils à obtenir quinze élus ? Ce dimanche soir, tout reste incertain. Or l’enjeu est pour EELV de disposer du groupe le plus important possible pour peser sur la majorité présidentielle et les choix du gouvernement. Mais avec un score qui devrait être supérieur à 5%, les écologistes devraient largement augmenter la dotation qu’ils reçoivent de l’Etat et qui s’ajoutera au financement que verse chaque député élu. L’Etat verse en effet 1,68 euro pour chaque voix obtenue quand les partis ont réalisé un score de plus de 1% dans 50 départements au premier tour des législatives. L’autre partie du financement dépend du nombre de parlementaires élus. Chaque parlementaire rapporte environ 42 000 euros par an à sa formation politique.
Un Modem très affaibli après avoir été touché à la tête
Quand François Bayrou est en position délicate c’est tout le Modem qui souffre. Ce dimanche soir, François Bayou n’a pas caché sa déception, arrivé en troisième position derrière le candidat du PS avec 23% dans sa circonscription des Pyrénées-Atlantiques. C’est le pire des scénarios qu’il pouvait connaître. Dès lors, il pronostique un « deuxième tour particulièrement ardu ».
« Les raisons de ce résultat sont très très claires: une partie importante de mon électorat traditionnel n’a pas compris et n’a pas accepté la décision qui a été la mienne de voter pour François Hollande au deuxième tour », a-t-il souligné.
Bayrou joue gros dimanche prochain, lui qui a été constamment élu depuis 1986. Parviendra-t-il à survivre politiquement s’il est battu ? Le Modem aussi, risquant de faire les frais du choix de son leader au second tour de la présidentielle. Le parti pourra-t-il être audible s’il est privé de sa tête à l’Assemblée ? Aujourd’hui, il n’a que trois élus. Or, Jean Lassalle n’est pas certain non plus d’être réélu, même s’il fait mieux que François Bayrou en arrivant derrière le PS et devant l’UMP.
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