Le parti de Jean-Luc Mélenchon attend beaucoup des législatives du 17 juin en France et en Grèce pour essayer de peser sur la politique de François Hollande.
Ces derniers jours, Jean-Luc Mélenchon a haussé le ton contre les socialistes. C’est de bonne guerre en période de campagne législative, surtout qu’il n’y a pas eu d’accord électoral entre les formations de la gauche. Mais il n’y a pas que cela. “Le PS est d’une mesquinerie et d’une ingratitude incroyables à l’égard du Front de gauche”, s’est exclamé l’ancien candidat à la présidentielle, se plaignant du manque de soutien du PS dans sa croisade anti-Front national et ajoutant : “Nous avons fait battre, nous, le Front de gauche, Nicolas Sarkozy, parce que sans nous François Hollande n’était pas élu. Il n’est pas très reconnaissant mais c’est la vérité”, a-t-il ajouté.
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« On n’est pas dans l’opposition, bien sûr que non »
S’ils ont été déçus par le score du premier tour de la présidentielle – 11,1% quand ils en attendaient 15 –, les partisans de Jean-Luc Mélenchon espèrent bien que les premiers mois de la gauche au pouvoir en France rééquilibreront des forces face à un Parti socialiste toujours tenté par une attitude hégémonique. Crédités de 7% des intentions de vote pour les législatives, ils comptent constituer “un groupe puissant” à l’Assemblée.
“On n’est pas l’opposition, bien sûr que non. On ne peut pas dire non plus qu’on est dans la majorité dans la mesure où on ne va pas appliquer le programme du PS”, souligne Mélenchon. “Un opposant, par exemple, c’est quelqu’un qui vote la motion de censure contre le gouvernement. Moi, je prends l’engagement de ne jamais signer la motion de censure de la droite contre le gouvernement”, précise-t-il.
Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche, bat actuellement la campagne… en Corrèze, bastion du président élu. Pour lui, le Front de gauche soutiendra François Hollande et le gouvernement Ayrault “quand ça ira dans le bon sens et refusera quand ça n’ira pas dans le bon sens”. “On voit déjà que des plans de licenciements vont s’abattre, c’est une véritable déclaration de guerre ! L’été va être assez spécial si 40 000 personnes se retrouvent au chômage. Ces plans ont été gelés des mois avant l’élection présidentielle. On va avoir tout de suite une épreuve de force. Nous, on appelle à l’interdiction des licenciements boursiers, on nous dit que les socialistes n’y sont pas opposés, on verra, et nous proposons aussi des nationalisations dans des entreprises d’intérêt stratégique.”
Autonomie conquérante
Pour Eric Coquerel, la stratégie du Front de gauche est simple à décrypter. Il parle d’une “autonomie conquérante”, avec l’ambition de constituer une alternative au PS, en “s’appuyant sur les mobilisations sociales qui ne vont pas manquer”.
“L’Assemblée sera un lieu important, c’est là qu’on verra les contradictions du gouvernement et la diversité de la gauche. Car je continue de penser que la victoire du 6 mai est davantage une défaite de Nicolas Sarkozy, un vote de gauche c’est vrai, mais pas un vote d’adhésion au programme de François Hollande”, explique-t-il.
S’il souligne qu’il n’existe pas d’état de grâce pour le nouveau président, Eric Coquerel admet une certaine bienveillance des Français. “Nous, on n’est pas partis pour faire une politique de rejet global à la NPA, dit-il, si François Hollande nous surprend, s’il s’avère plus résistant face à Merkel, s’il se donne les moyens de changer le cours des choses, c’est tant mieux !” Le chef de l’Etat “va vite se retrouver dans la position où il faut choisir”, ajoute-t-il. “La social-démocratie croit toujours qu’on peut réparer le système en le rendant plus juste, mais ça ne peut pas tenir la route, on va vers une épreuve de force.”
Bras de fer
Le Front de gauche n’entend évidemment pas faire partie du gouvernement qui sera sans doute remanié après les législatives. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en a pris acte et a précisé la position officielle de l’exécutif dans L’Express la semaine dernière :
“Pour l’instant, Jean-Luc Mélenchon dit qu’il ne veut pas participer au gouvernement. Il a choisi de concentrer son action sur le combat contre le FN. Nous verrons bien. La porte est ouverte pour tous ceux qui souhaitent mettre leur énergie et leur talent pour la mise en oeuvre du projet présidentiel.”
“Nous, au Parti de gauche, nous avons déjà notre stratégie, le Parti communiste n’a pas tranché, il fera voter ses militants mais c’est sûr que, si c’est sur le programme du PS, il n’y aura pas de participation au gouvernement”, répond Eric Coquerel. “Nous attendons les réponses du gouvernement. Nous voulons des inflexions par rapport au projet de François Hollande. Si c’est pour aller se rallier à la politique du Président sans prise en compte de nos propositions, ça n’est pas possible”, prévient de son côté le secrétaire national du Parti communiste, Pierre Laurent.
Dans ce bras de fer, le Front de gauche compte sur un allié de poids, venu de Grèce : Alexis Tsipras, le leader de Syriza, le parti de la gauche radicale, crédité de 30% des intentions de vote pour les législatives qui auront lieu… comme en France, le 17 juin. “Si Tsipras gagne, il va y avoir tout de suite quelque chose d’important qui va se passer. Eux refusent le mémorandum sur l’austérité imposé à la Grèce comme on refuse le traité budgétaire. On arrivera alors à une heure de vérité pour l’Union européenne”, estime Eric Coquerel. Pour lui, “il faut finir de casser ce qui reste de l’axe Sarkozy-Merkel et la seule façon de le faire, c’est de refuser le traité. Mais, comme il a déjà été signé par plusieurs pays, il faut organiser un référendum en France.” “L’idée de François Hollande d’y ajouter simplement un pacte de croissance ne va pas régler le problème.” “Si François Hollande arrive à nous convaincre qu’il y a une autre méthode, on est prêts à voir”, ajoute-t-il, dubitatif.
Quand Alexis Tsipras est venu à Paris, le 21 mai, il n’a été pas été reçu par le chef de l’Etat, lui-même boudé par les chancelleries européennes quand il n’était que le candidat socialiste à la présidentielle. “Si le peuple français a envoyé Sarkozy en vacances au Maroc, ce n’est pas pour que son remplaçant conduise la même politique”, a lancé le leader de la gauche radicale grecque. Rapport de forces, toujours.
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