François Hollande donne des consignes de simplicité à l’Elysée. Mais le Président goûte aussi aux signes extérieurs du pouvoir, nécessaires à sa crédibilisation.
« Je veux faire simple.” La phrase sonne comme un aveu. Elu le 6 mai président “normal”, après cinq années de “bling-bling” et de cahots sarkozystes, François Hollande est d’un abord facile, urbain, courtois. Personne ne le conteste. Mais peut-on rester “simple” à l’Elysée ou est-on condamné à “faire simple”, dans un exercice de communication démultiplié au niveau des ministères ? Si le nombre des conseillers et les rémunérations ont été réduits, si les véhicules officiels se font plus discrets, le protocole et les usages de notre “monarchie républicaine” n’ont pour l’instant pas été bousculés par le nouveau pouvoir.
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Vendredi 1er juin. En fin de matinée, François Hollande effectue son premier déplacement de chef de l’Etat sur le territoire français. Dans l’Essonne. Sur tout le parcours du cortège présidentiel, des gendarmes ont été positionnés sur les ponts et aux carrefours. Dans l’entreprise de Bondoufle que le Président va visiter, des policiers du Service de protection des hautes personnalités et des gendarmes du Groupement de sécurité de la présidence de la République (GSPR) sont sur le pied de guerre. Des portiques de sécurité ont été installés à l’entrée. Le préfet et des élus du département patientent.
Après une heure dans l’établissement, François Hollande s’exprime à un pupitre devant les salariés de l’usine et les journalistes, sagement parqués derrière des cordes blanches. A priori, en dehors d’un léger allègement de la protection présidentielle, rien de nouveau sous le soleil par rapport aux sorties effectuées en leur temps par Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac ou François Mitterrand. Malgré l’ambiance bon enfant, on sent une pesanteur tout au long de la matinée. Quelques heures plus tard, François Hollande accueille Vladimir Poutine pour un dîner de travail à l’Elysée. La garde républicaine est sur le perron. Le protocole est respecté à la lettre, indique un policier. La simplicité et les ors du palais présidentiel ne font pas bon ménage.
Pour Nicolas Mariot, politiste et historien, “supprimer le protocole n’aurait aucun sens pour François Hollande et bien évidemment il ne le fera pas”.
“Il peut continuer à voyager en train, s’arrêter aux feux rouges, aller sur le plateau de France 2, mais ça n’a aucun rapport avec le protocole. Il gardera le décorum. Cécile Duflot peut venir en jean au conseil des ministres, il y a toujours un huissier en tenue qui crie ‘Monsieur le président de la République’ à chaque fois qu’il entre dans une pièce.”
“En fait, il y a toujours un va-et-vient constant entre un rapprochement physique, notamment lors des déplacements en province – le Président touche, étreint, distribue des bises – et un pas en arrière dans un moment de raidissement protocolaire pour retrouver les habits de la fonction”, poursuit le chercheur. “François Hollande peut dire ‘ce n’est pas moi qui veux ça, c’est la fonction qui l’impose’ mais il a besoin du protocole car tous les autres comportements politiques sont désormais réglés vis-à-vis de lui. Le protocole oblige le chef de l’Etat à se comporter d’une certaine façon, et oblige surtout les autres à montrer de la déférence, de l’obligeance.”
L’historien s’amuse de l’amnésie journalistique à l’oeuvre, selon lui, dans des articles où l’on s’extasie devant la modestie d’un chef de l’Etat voyageant en Thalys et dont la Citroën officielle respecte le code de la route. “Tous les présidents arrivent en disant qu’avec eux l’Elysée ne sera pas fermé, qu’il n’y aura pas une tour d’ivoire”, souligne-t-il en expliquant que “le protocole, tel que nous le connaissons encore dans ses grandes lignes, a été mis en place en 1804, sous Napoléon”. La dernière modification date de 1995. Qu’avait décidé Jacques Chirac ? “Que les cortèges devaient s’arrêter aux feux rouges et que les escortes d’honneur devaient être allégées”, sourit Nicolas Mariot. On connaît la suite… Les voitures roulant à vive allure, parfois sur la bande d’arrêt d’urgence des autoroutes, gyrophares en action.
“En disant qu’il voulait faire simple, François Hollande a en quelque sorte répondu par avance à ses détracteurs en assumant le côté un peu artificiel de l’exercice”, insiste Nicolas Mariot.
Désormais entouré d’une cohorte composée de son aide de camp, de ses collaborateurs et de ses officiers de sécurité, le chef de l’Etat se laisse aussi parfois aller au confort induit par la fonction. Dès son premier week-end de liberté, François Hollande a pris ses quartiers à la Lanterne, la résidence versaillaise habituellement dévolue au Premier ministre, que Nicolas Sarkozy avait réquisitionnée en 2007. “S’il voulait, il pourrait supprimer facilement les week-ends à la Lanterne, personne ne l’y voit”, note Nicolas Mariot. Pour l’instant, l’Elysée précise que François Hollande et Jean-Marc Ayrault se partageront le tennis et la piscine. Une colocation presque “normale”.
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