Un documentaire bien vu sur quelques punks hongrois des années 1980 à nos jours.
Dans son premier film, Violent Days, des rockeurs havrais rêvaient d’Amérique. Dans ce deuxième, des punks hongrois rêvent (ou rêvaient) à leur tour. Lucile Chaufour poursuit avec obstination ses rock dreams, son intérêt pour le rock comme vecteur de fantasmes d’ailleurs.
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Kelemen, Miklos, Imre avaient donc formé des groupes punk dans les années 1980, et Chaufour les avaient filmés. Elle les a retrouvés et filmés à nouveau vingt ans après. Le premier effet du film est celui du temps, qui n’épargne pas plus les punks que les autres.
Anticommunistes et nationalistes
D’une époque de filmage à l’autre, les crêtes, épingles et autres artefacts ont disparu, l’action ébouriffée a laissé place à un discours posé en fauteuil, les cheveux ont blanchi(quand il en reste), les traits se sont épaissis et creusés. Certains continuent à porter le cuir ou le T-shirt déchiré, d’autres sont en tenue civile quinqua.
Que reste-t-il de leurs amours punk ? Pour certains, rien, pour d’autres,des souvenirs attendris, et pour quelques irréductibles, un esprit rebelle qui ne lâche rien. Cet esprit est le deuxième effet du film, peut-être le plus intéressant et dérangeant.
A la différence des punks anglais ou français, les Hongrois vivaient de l’autre côté du rideau de fer et leur principal ennemi était le pouvoir en place, communiste et sous influence soviétique. Avant d’être “no future”, les punks hongrois étaient donc anticommunistes et nationalistes. Ils prenaient les svastikas provocantes des Sex Pistols au premier degré, se trouvaient des affinités avec les groupes oi!. Leur révolte était d’obédience droitière, capitaliste, voire fasciste.
Mouvement miroir
Dans cette tendance générale, chacun avait ses nuances particulières, son quant-à-soi : les uns prenaient l’anticommunisme comme une simple posture contre le pouvoir, secondaire par rapport à l’idée de s’amuser et de foutre le souk, alors que d’autres assument toujours leur nationalisme teinté d’antisémitisme et de xénophobie anti-Rom parce que “c’est la tradition hongroise”. Bonjour Viktor Orbán…
East Punk Memories nous informe sur un mouvement miroir de notre punkitude occidentale et présente la double vertu de nous montrer ses aspects attachants sans nous masquer ses facettes les plus sombres, idiotes et antipathiques. Ni condescendante ni hagiographique, Lucile Chaufour atteint un certain degré de vérité humaine, historique et politique.
East Punk Memories de Lucile Chaufour (Fr., Hon., 2013, 1 h 20)
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