Plongée trépidante dans les réseaux enchevêtrés de la police et de la mafia à Atlanta.
Quand un cinéaste s’attaque à un genre ultra rebattu, difficile de discerner ce qui sépare la redite académique du reboot inventif. Bon cas d’espèce avec John Hillcoat, qui avait commis un western trop confit dans le sépia (Des hommes sans loi) et qui livre ici un thriller noir tendu et frémissant de bout en bout.
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En présupposant qu’Hillcoat a consacré le même soin aux deux films, qu’est-ce qui fait la différence ? Peut-être l’époque où est située chaque fiction. Le western appartient peu ou prou au cinéma historique en costumes et prête ainsi le flanc au risque antiquaire alors que Triple 9 a lieu dans la réalité urbaine la plus contemporaine et parlante pour un spectateur d’aujourd’hui.
Corruption des institutions et des puissants
En l’occurrence, la corruption des institutions et des puissants, les liens incestueux ou conflictuels entre Etats et mafias, les fractures communautaires…Pour évoquer ces sujets, le récit met aux prises des flics pourris qui assurent clandestinement des missions de braquage au service d’un puissant clan mafieux.
Pour leur prochain coup, ils projettent d’actionner en leurre le code 999 (censé concentrer toutes les forces de police de la ville sur un seul point chaud), cela afin de commettre leur forfait en toute tranquillité.
Une Kate Winslet plus brutale que le plus tough des tough guys
Infiltrations, duplicités, brouillage des frontières de la loi, le cocktail est ultra classique, mais Hillcoat le sert impeccablement brûlant et corsé. Le montage est aussi acéré qu’un riff de rock ou qu’un scratch electro, la ville d’Atlanta est superbement filmée et cartographiée dans toutes ses strates géosociales, le film est ancré dans les diverses communautés et quartiers chauds avec un casting mélangeant sans heurts stars, seconds couteaux et habitants locaux, tous aiguisés et tranchants.
Au milieu de cet univers testostéroné, on repère une Kate Winslet plus brutale que le plus tough des tough guys, assez méconnaissable en madonne mafieuse russe juive.
Etonnante maladresse
A ce propos, un élément fait un peu tiquer : tous les pourris (ou semi-pourris) sont juifs, noirs ou latinos alors que les héros purs et durs sont wasp. Certes, parmi les bad guys, certains ont des problèmes de conscience, ce qui indique qu’Hillcoat prend soin de se garder de tout essentialisme.
C’est un poil gênant quand même puisque risque de passer le message subliminal selon lequel la corruption de la société américaine vient des “métèques” de tous horizons. A part cette étonnante maladresse, Triple 9 est un polar hyper excitant qui prend le sillage d’un Mann ou d’un Fincher et mérite un bon triple 9 sur 10.
Serge Kaganski
Triple 9 de John Hillcoat, (E.-U., 2016, 1 h 55)
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