Retour en grâce après quelques albums sans trop de folie. Car de folie il est question ici : celle de Kevin Barnes, ce génie.
Depuis quelques années, un bon album d’Of Montreal, c’est comme une victoire de la France en finale : on y croit jusqu’au bout, et puis ça foire. On n’avait donc qu’assez peu d’espoir en recevant Innocence Reaches, quatorzième album de ce groupe toujours aussi méconnu mais déjà culte pour ceux qui savent, malgré les déceptions que furent les derniers albums publiés.
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Et là, surprise, dès la première écoute, Innocence Reaches s’est avéré aussi excitant que les trois derniers réunis (Paralytic Stalks, Lousy With Sylvianbriar et Aureate Gloom, tous plus ou moins amputés de la folie caractéristique du groupe) dans la mesure où il renoue directement avec la dernière grande période d’Of Montreal – sans doute sa meilleure –, qui s’est étalée de 2005 à 2008 avec un autre triptyque, complètement dingue cette fois, comprenant The Sunlandic Twins, Hissing Fauna, Are You the Destroyer? (l’équivalent de la Coupe du monde 1998 pour la France) et Skeletal Lamping.
Of Montreal, c’est quoi ? Un groupe justement indéfinissable, qui a fait de la surf music (les Beach Boys en premier lieu) et du garage rock un terreau d’expérimentations synthétiques (et chimiques) sans équivalent dans le spectre pourtant large de la pop psychédélique actuelle. Mené par Kevin Barnes, génie incontrôlable et névrotique, le groupe a bourlingué si loin et si fort dans les recoins de la folie mise en musique qu’on avait commencé à croire que le meilleur était derrière nous, que la messe était dite. Innocence Reaches vient donc démontrer le contraire, sans égaler un Hissing Fauna… mais en retrouvant la puissante fantaisie et l’esprit d’exploration que ce dernier avait profondément intégrés à l’identité du groupe.
Dedans, des choses passionnantes : discours féministe et humour genderfuck (le single It’s Different for Girls, à écouter de préférence avec son clip), vocodeur bouleversant (A Sport and a Pastime, grand moment de nouveauté pour Of Montreal), mélodies ouvertement dépressives (Ambassador Bridge, magnifique), prods futuristes libérées des structures (Trashed Exes, inspiré par Arca) et morceaux typiquement ofmontrealiens, où Barnes danse joyeusement au bord de ses propres gouffres, constituent ce qui pourrait être le début d’une nouvelle ère pour un des groupes les plus singuliers de l’époque. Vivement le chef-d’œuvre à venir.
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