Nouvelle variation flamboyante et exaltée sur le tumulte amoureux, par le vétéran Vecchiali.
Aplus de 85 ans, déjà fort d’une œuvre colossale qui s’étend sur près de six décennies, Paul Vecchiali tourne. Plus d’un film par an. L’an dernier sortait Nuits blanches sur la jetée ; dans quelques mois, on découvrira Le Cancre ; aujourd’hui surgit le superbe C’est l’amour, dont les personnages eux aussi ne cessent de tourner. Le film organise en effet une ronde sophistiquée.
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Dans un village du Var, une femme, Odile, pense que son mari Jean la trompe et décide d’en faire autant. Dans un bal en plein air, elle jette son dévolu sur un homme ivre, Daniel. Lequel est un acteur fraîchement césarisé, qui a décidé de foutre sa carrière en l’air et s’est réfugié chez son amant, un exploitant viticole, Albert. Lequel reçoit la visite d’un ancien amant, Manu. Le mari d’Odile est le comptable d’Albert.
Lyrique, exalté, fantasque
Tous ces personnages dépareillés se croisent, s’attirent, se repoussent, dans une mécanique de désirs désaccordés et fougueux. Et si la structure du film évoque La Ronde, c’est un autre film d’Ophuls, Madame de, que cite explicitement C’est l’amour – le temps de la déambulation d’une femme en noir, harassée par trop d’amour, le long d’une plage. Madame de, un film où on meurt d’amour, comme dans C’est l’amour.
C’est peu dire que le film est lyrique, exalté, fantasque aussi. A la fois anachronique, comme inventant son propre espace-temps, mais aussi très contemporain (Vecchiali s’amuse même à pasticher de façon malicieuse, voire moqueuse, L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie – un film qui lui-même semblait inspiré par un autre film de Vecchiali, Bareback ou la guerre des sens).
L’ivresse, pas seulement amoureuse, mais aussi éthylique
Dans ce jeu de piste fébrile, ceux qui s’aiment d’un amour fou n’ont que très peu de scènes en commun, les personnages secondaires en revanche pullulent et parasitent l’intrigue. L’ivresse, pas seulement amoureuse, mais aussi éthylique, se répand de façon contagieuse. Certains protagonistes traversent le film perpétuellement bourrés (on pense alors à Femmes femmes, le chef-d’œuvre de Vecchiali).
Du début à la fin, le film reproduit un fascinant coup formel. Une même scène y est interprétée deux fois. Une première fois, le cadre enserre un personnage tandis que le second reste hors champ durant tout le plan-séquence. Puis le même dialogue recommence, mais en inversant celui qui est à l’image et celui qu’on ne voit pas.
D’une version à l’autre, la perception (de celui qui agresse et de celui qui encaisse) se modifie. Dans toute relation, il n’y a de vérité que subjective. Le sentiment est versatile. Il se transforme selon les points de vue. Oui, c’est l’amour.
C’est l’amour de Paul Vecchiali (Fr., 2015, 1 h 37)
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