Un aréopage de spécialistes enfermés dans les sous-sols de l’Elysée cherche la sortie d’une crise. Une satire fantasque de la communication politique.
Philippe Katerine président. C’est sur ce pitch aussi bref qu’excitant que Gaz de France, le premier long métrage de Benoît Forgeard, était depuis longtemps attendu, avant d’être dévoilé au dernier Festival de Cannes, dans la décidément défricheuse sélection Acid. Or, après un irrésistible prologue où ledit président, en chute libre dans les sondages quelques mois seulement après son élection, sur un programme des plus katerinien (“la rigueur en chantant”), se ridiculise lors d’un questions-réponses devant un panel de Françaises, le film se déroute brusquement.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Suite au fiasco en effet, son principal conseiller, Michel Battement (Olivier Rabourdin, grave, mais surtout grave bon) réunit dans les sous-sols de l’Elysée la présumée crème intellectuelle du pays pour trouver une idée, une seule, qui pourrait remettre le président Bird sur les rails. Dès lors, Katerine passe au second plan et fait place à une cohorte de pseudo-experts de l’ombre, filmés dans des décors incrustés sur fond vert – c’est le pari esthétique du film, partiellement réussi mais en tout cas stimulant –, s’enfonçant toujours plus profond dans le bunker élyséen à mesure que leurs idées font plouf… Et la comédie loufoque de peu à peu se muer en cauchemar éveillé, parfois drôle, parfois plus du tout, mais bizarre, toujours.
Déceptif plutôt que décevant, Gaz de France s’aventure sur des terres radicalement non naturalistes, à la frontière de l’art contemporain et du détournement situ (déjà explorées par le cinéaste, dans sa compilation de courts métrages Réussir sa vie ou dans son show TV musical avec Bertrand Burgalat), pour donner à voir la plus réelle des dystopies : le monde de la communication politique.
Bunkérisés à jamais
L’on comprend ainsi au fur et à mesure la signification du titre : ce gaz de France, au fond peu différent de celui d’autres pays mais dont Forgeard capte merveilleusement le spécifique mix de chic et de cheap, ce gaz donc, c’est le rideau de fumée qui désormais recouvre toute chose, et fait qu’on ne sait plus, certains jours, si on lit Le Figaro ou Le Gorafi.
Dans la dernière partie de son film, Forgeard figure l’ultime cercle des communicants, bunkerisé à jamais tandis qu’au dehors la révolte gronde, ayant pour seules fenêtres sur le monde de factices paysages polynésiens dégueulant leurs pixels malades sur des écrans LCD au bout du rouleau. On ne peut aujourd’hui imaginer plus juste et plus poétique représentation du pouvoir que celle-ci.
Gaz de France (Fr., 2015, 1 h 26)
{"type":"Banniere-Basse"}