La réalisatrice poursuit son exploration des amours interdites dans un film d’époque épique et pop.
Etrange trajectoire que celle de Valérie Donzelli, qui sera passée du statut de nouvelle coqueluche du Festival de Cannes (La guerre est déclarée, 2011) à celui d’infréquentable, éreintée cette année par la presse lors de la présentation en compétition officielle de son dernier film, Marguerite & Julien.
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Dans le flot de critiques adressées à la cinéaste, il lui fut notamment reproché d’avoir délaissé l’élan do it yourself de ses premiers opus, et sacrifié les charmes bricolés qui faisaient sa signature au profit d’une production plus lourde et académique.
Motif obsessionnel
Faux procès, tant Donzelli reste ici fidèle à ses méthodes de tournage et son idéal de cinéma explorateur, cherchant toujours de nouvelles formulations autour de son motif obsessionnel : l’amour empêché, contraint, interdit par la nature ou l’ordre social.
Adapté d’un scénario de Jean Gruault, initialement écrit pour François Truffaut au début des 70’s, Marguerite & Julien met en scène deux nouvelles figures d’amants maudits : une jeune femme (Anaïs Demoustier) et son frère (Jérémie Elkaïm), des enfants d’aristos irrésistiblement attirés l’un vers l’autre depuis le berceau, et forcés d’étouffer leur feu incestueux face à la pression des autorités religieuses.
Cinéma de genre
Ce sujet, assez gonflé, Donzelli refuse de le traiter d’un point de vue moral ou d’en exalter l’odeur de scandale ; l’inceste n’est pour elle qu’un accident, le point de départ d’un film d’aventure dont l’issue tient à la réunion de deux corps que les conventions séparent.
Moins habile dans ses scènes d’intérieur, un peu impuissant à saisir l’intimité érotique de son couple hors norme, Marguerite & Julien déploie sa grâce fragile dès lors qu’il prend le large, dynamite son récit, et emprunte son rythme au cinéma de genre à la faveur d’une superbe scène de siège ou d’une cavale criminelle façon Bonnie and Clyde, déclinée en photogrammes hyperstylisés.
Les mécanismes des passions amoureuses
La cinéaste retrouve alors la qualité première de La guerre est déclarée, cette manière d’aborder le drame conjugal tel un film d’action, de privilégier l’emballement des corps à la psychologie, les fantasmes au réel, qu’importe les époques ou le contexte – l’action se situant ici dans un XVIe siècle indécis, traversé d’anachronismes pop citant Jacques Demy.
Déjouer la logique, la vraisemblance et les vieilles routines du naturalisme français : c’est la belle singularité de ce cinéma de laborantin ludique et vivant, qui dissèque, film après film, les mécanismes des passions amoureuses.
Marguerite & Julien de Valérie Donzelli (Fr., 2015, 1 h 45)
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