Une villa, une belle femme riche et son bodyguard torturé: à partir de ces trois éléments, Alice Winocour tisse un film qui déploie le motif du désordre physique et psychique.
Matthias Schoenaerts est Vincent, soldat victime de troubles posttraumatiques, chargé d’assurer la sécurité de Jessie, épouse d’un riche homme d’affaires, qui vit parfois seule dans sa grande villa de la Côte d’Azur baptisée Maryland. Le corps comme livre ouvert de la maladie et révélateur de ce qui se joue dans les replis mystérieux du cerveau, c’était déjà le sujet du premier film d’Alice Winocour.
Si Augustine péchait un peu par une certaine sécheresse didactique, Maryland déploie le motif du désordre psychique et physique dans un autre type de huis clos et nul médecin ne vient nous expliquer ce qu’éprouve intérieurement Vincent. On s’en tient à décrypter son regard tendu, sa sueur, ses mains et tout ce qu’exprime son impressionnant corps de taiseux angoissé.
Winocour attise adroitement la tension érotique
Progressivement se dessine la relation ambiguë entre Vincent et Jessie (la superbe et superbement filmée Diane Kruger). Que se passe-t-il vraiment entre eux ? Simple rapport professionnel ? Attirance amoureuse à sens unique, donc impossible ? Désir réciproque ? Winocour attise adroitement cette tension érotique, cette rétention d’affects et de pulsions, cette question de la distance et de la proximité (voire promiscuité), bientôt portée dans le rouge par de mystérieux agresseurs qui cernent la propriété.
Pas besoin de connaître toute l’œuvre critique de Jean Douchet pour comprendre la métonymie entre le viol de la maison et celui de sa propriétaire, Vincent étant tiraillé entre les deux, entre son devoir de protecteur et son désir secret. La villa est aussi un personnage du film, avec son jardin, ses corridors, ses pièces, sa télé branchée sur les chaînes info, ses caméras internes qui permettent aussi bien la surveillance que l’espionnage désirant et qui résument le système du film.
Avec trois fois rien, un lieu, deux ou trois personnages, Winocour tambouille un film aussi physique que mental, réduit à l’espace confiné d’une maison mais contaminé par les désordres géopolitiques planétaires, aussi bon dans la tension diffuse que dans l’action.
Maryland (Fr., Bel., 2015, 1 h 41)