De 1965 à 1975, la jeunesse décide de briser les tabous du sexe contre la société. Une histoire qui s’est écrite en images dans la presse underground, dont les plus belles couvertures sont regroupées dans Sex Press.
Si la révolution sexuelle des années 1960 conserve encore aujourd’hui son aura mythique, elle le doit en partie à la presse qui l’accompagna et en glorifia les avancées. Vincent Bernière et Mariel Primois sont ainsi à l’origine de cette anthologie qui rassemble les unes les plus marquantes de la presse anglo-saxonne et française. De 1965 à 1975, le sexe est omniprésent dans la “free press”. En même temps que la drogue, il devient un sujet à part entière à l’instar des autres rubriques dans des journaux comme Other Scenes, Yellow Dog, ou en France Actuel. D’autres, comme Suck, L’Organe ou Screw, lui sont entièrement dédiés.
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Aux Etats-Unis, c’est l’époque où Robert Crumb fonde le journal Zap en 1967 et invente la figure de l’artiste de BD. Grâce à l’UPS (Underground Press Syndicate), ses dessins seront largement diffusés, notamment en France, où Actuel le fait connaître. Le sexe y est omniprésent et Crumb traduit la difficulté de vivre sa sexualité dans l’Amérique pudibonde des années 1950, entre culpabilité et refoulement. En France, c’est Gotlib dans L’Echo des savanes qui publie, fin 1968, Rhââ lovely, une BD humoristique et pornographique qui traite du complexe d’OEdipe, de l’inceste. Du jamais vu à l’époque.
Début 1970, le mouvement hippie explose. La monogamie vacille, les contraintes familiales sont remises en cause et les femmes revendiquent le droit de pouvoir disposer de leur corps. Partout, se forment des communautés où on fait l’amour à plusieurs plus facilement que la vaisselle et dont la presse underground française se fait l’écho enthousiaste. En 1971, Actuel consacre un reportage à une love party dans une banlieue de San Francisco. Charlie Hebdo, sous la plume de Reiser, crée une héroïne, Jeanine, plus intéressée par son vernis à ongles que par ses enfants. Les petites annonces d’Actuel jouent un rôle actif, et l’on peut y lire des demandes du style : “Ch. deux jeunes filles 18-20 ans, jolies, sociables et douces pour fonder une communauté.” Mais cet état d’esprit dionysiaque sur fond de luttes politiques n’aura duré que peu de temps.
“En dix ans, on est passés de la promotion d’une sexualité euphorique et libérée à une pornographie codifiée, explique Vincent Bernière.
A la nudité joyeuse et bon enfant des premières communautés a succédé un naturisme encadré et graveleux.” Certains laissent tomber le militantisme idéaliste des débuts (“Faites l’amour, pas la guerre”) et se reconvertissent dans l’industrie du porno. Les love parties célébrant l’amour transcendant deviennent des partouzes codifiées en appartement. Une évolution dont la presse fait aussi les frais : après la suppression du mensuel S, c’est le journal Elle et Lui qui se voit interdit par le ministère de l’Intérieur. Alors que le film Emmanuelle (1974), pourtant bien soft, remplit les salles, les autorités s’inquiètent et promulguent le 30 décembre 1975 une loi qui taxe le cinéma pornographique et le prive de subvention publique. C’est la fin de l’âge d’or du cinéma X.
“Les Français privés de dessert”, dessine Reiser dans Charlie Hebdo. C’est aussi la date symbolique de la fin de la révolution sexuelle : une nouvelle génération, celle des punks, émerge fin 1975 et tourne le dos au Peace and Love pour prôner le No Future. Mais ceci est une autre histoire, qui va faire à son tour l’objet d’une anthologie des mêmes auteurs, Punk Press (sortie en novembre 2012).
Sex Press – La révolution sexuelle vue par la presse underground de 1965 à 1975 de Vincent Bernière et Mariel Primois (Editions de La Martinière), 240 pages, 35 €
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