Politique comme rarement, Schroeder se penche sur le passé de l’Allemagne – donc le sien – et la mémoire des jeunes générations, qu’il voit se dissoudre dans l’hédonisme contemporain.
Amnesia est une plongée introspective dans l’histoire, bien au-delà (ou en deçà) des années flower power. Martha (superbe Marthe Keller) vit à Ibiza dans une jolie maison sans électricité. Martha est peut-être une figure maternelle pour Barbet Schroeder, ou la Mimsy Farmer de More qui aurait vieilli dans ce petit paradis des Baléares.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dans la maison voisine débarque Jo, un jeune Allemand qui vient gagner quelques sous comme DJ. D’entraides entre voisins en discussions, Martha et Jo se lient d’amitié. Mais Martha a ses mystères, ses secrets. Pourquoi vit-elle ici seule ? Pourquoi cache-t-elle à Jo qu’elle est elle aussi allemande ?
Une bataille sur la mémoire de l’Allemagne
Barbet Schroeder met en place une mécanique théâtrale à la fois concrète et symbolique, intimiste et politico-historique, une pièce à feu doux qui explose quand arrivent les parents de Jo, et notamment son père. La relation d’amitié, de fascination, voire d’amour entre Martha et Jo devient une bataille de mémoire sur l’histoire de l’Allemagne, ce passé qui décidément a du mal à passer et qui continue de hanter l’Europe. L’Amnesia n’est pas seulement la boîte techno où mixe Jo, c’est selon Schroeder un état général de nos sociétés qui contribue à l’ignorance hédoniste d’un pan des jeunes générations.
L’allégorie est parfois un peu raide et schématique, d’autant que la période nazie est l’objet de multiples articles, livres, films ou émissions de télé, et la performance très extravertie de Bruno Ganz n’aide en rien à alléger l’affaire. Mais face à lui, Marthe Keller et le jeune Max Riemelt sont remarquables de bout en bout. Et ce qui est beau dans ce film, c’est de parvenir à faire entrer un sujet aussi vaste et lourd que l’histoire de l’Allemagne au XXe siècle dans la simplicité dépouillée d’un petit théâtre de verdure, sans grands effets de manche et de mise en scène.
Shroeder dresse le bilan en cinéaste
Cinéaste plutôt intimiste et cinéphile, pas vraiment politisé au sens militant du terme, Barbet Schroeder ne s’est pas moins régulièrement intéressé à la politique et à l’histoire (Idi Amin Dada, une autobiographie, L’Avocat de la terreur). On a le sentiment que cet Amnesia s’inscrit dans la lignée de son docu sur Vergès, comme une tentative de repenser son temps, de regarder en arrière, de faire une sorte de bilan politique, existentiel et romanesque des années dans lesquelles il a vécu, de dénouer le nœud de ses origines germaniques. Un bilan qui serait dressé non pas en juge, en sociologue, ou en idéologue, mais en cinéaste désireux de transmettre aux générations d’après.
A ce souci de legs s’ajoute le désir plus secret de filmer Marthe Keller, actrice qui subjugua beaucoup de monde (dont le très jeune ado que j’étais) quand elle apparut dans le feuilleton La Demoiselle d’Avignon à l’orée des années 70. On ignore si c’est à cette occasion que Schroeder découvrit sa quasi-compatriote, mais son plaisir de la filmer et de la magnifier est patent d’un bout à l’autre de ce film.
{"type":"Banniere-Basse"}