Entre road-movie buissonnier et teen-movie mélancomique, Gondry retrouve la forme.
Michel Gondry dit avoir fait ce film sur le conseil d’Audrey Tautou, pour se détendre après la lourde production de L’Ecume des jours. Bien lui en a pris, et nous aussi, on se détend.
L’Ecume des jours souffrait en effet de sa surcharge pondérale, de son mauvais cholestérol de décors et costumes, de son embolie esthétisante qui empêchait récit et personnages de respirer. C’était le mauvais penchant Jean-Pierre Jeunet de Gondry, qui étouffe le cinéma sous les gadgets visuels.
Microbe et Gasoil, c’est au contraire le Gondry qu’on aime, celui d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind, de Soyez sympas, rembobinez ou de L’Epine dans le cœur, celui chez qui domine une certaine grâce enfantine, celui qui met son esprit de Géo Trouvetou bricoleur au service de son histoire et de ses protagonistes.
Deux outsiders dans l’univers rupin de la banlieue ouest
En l’occurrence, les surnommés Microbe et Gasoil, deux copains collégiens à teneur autobiographique. Ils vivent à Versailles mais font figure d’outsiders dans l’univers rupin de la banlieue ouest : Microbe parce qu’il a les cheveux longs et qu’on le prend souvent pour une fille, Gasoil parce qu’il vient d’une famille un peu folklorique.
Les grandes vacances venues, les deux loustics vont bricoler une voiture home-made (comme les films suédés de Soyez sympas…) pour tailler les routes secondaires à la vitesse de leur moteur de tondeuse à gazon (un peu comme dans Une histoire vraie de David Lynch).
Il y a d’ailleurs une certaine parenté entre ce film-bagnole bricolé buissonnier et le road-movie statique en kayak de Bruno Podalydès, autre cinéaste versaillais. Les Bourbon et le lycée Hoche auraient-ils engendré à leur insu un autre genre de dynastie, plutôt poétique, humble, vagabonde que trônante et plastronnante, plus proche de Tati, Truffaut ou Queneau que des ors et fastes mentalement associés au nom de Versailles ?
Un excellent film-collège
Toujours est-il que le charme de Microbe et Gasoil s’étalonne à sa finesse et à sa sensibilité plutôt qu’à sa vitesse, à son nombre de kilomètres parcourus ou à ses chiffres records de production. Les deux gamins sont impec (l’un s’appelle Ange Dargent, ça ne s’invente pas et ça lui va à merveille) et l’initiatrice de ce film (Audrey Tautou) est extra dans un second rôle de mère fantasque et lunaire.
Le film-collège est un genre ingrat parce que mille fois rebattu. Les meilleurs sont ceux que l’auteur investit fortement de sa personnalité : tristesse poisseuse et énergie prolétaire dans Passe ton bac d’abord de Pialat, introversion dandy d’Assayas dans L’Eau froide, acné, frustration sexuelle et comédie dans Les Beaux Gosses de Sattouf…
Gondry réussit à son tour un teen-movie qui lui ressemble, plus pop que punk (dont il se fout de la gueule drolatiquement à travers le grand frère borné de Microbe) : mélancomique, bricoludique, modestement inventif et joueusement frondeur.