Le charme discret de la marginalité provinciale fait décidément la force du cinéma social sud-américain. Un film “débranché”, qui laisse le temps s’écouler.
Au Chili, une jeune femme rentre dans son village d’origine, plongé dans une semi-léthargie et miné par le qu’en-dira-t-on. Après maintes recherches infructueuses, elle dégote un emploi improbable dans une casse automobile. Mais elle découvrira graduellement que son passé d’actrice X lui colle à la peau…
Postulat intéressant, qui induit un décalage supplémentaire dans la peinture de la vie modeste, voire médiocre, d’une province sud-américaine typique, vue maintes fois depuis la renaissance du cinéma social latino impulsée par l’Argentine il y a une quinzaine d’années. Cela n’ayant rien de péjoratif, au contraire. L’antiglamour radical de ce cinéma est son grand atout (et son handicap, commercialement parlant) car il véhicule un sentiment proche et familier, celui du temps qui s’écoule, de la province poussiéreuse figée dans un éternel passé.
Un sentiment de vie démodée et hors du temps qui a un peu disparu du cinéma européen d’aujourd’hui où, soit les curseurs du cinéma social sont poussés dans le rouge (type La Loi du marché), soit les arabesques du discours amoureux priment sur l’environnement, soit on tente de structurer les genres à l’américaine.
Une chronique discrète, chantre d’une certaine marginalité
La nostalgie d’on ne sait trop quelle période (plus ancienne encore que l’époque honnie de Pinochet) nimbe cette chronique discrète qui ressuscite un type de marginalité et de société alternative que jadis l’Occident portait aux nues, mais qu’il voue désormais aux gémonies. Dans les seventies, tout un pan du cinéma social, antifonctionnel et anti-industriel, était fashionable, aussi bien aux Etats-Unis (L’Epouvantail de Jerry Schatzberg par exemple) qu’en Europe (cf. le film du Suisse Alain Tanner, La Salamandre).
Aujourd’hui, la marge n’est plus valorisée que dans des pays où l’économie balbutie encore. Il serait temps de revenir aux préceptes du philosophe Michel Berger qui, chanté par France Gall, clamait : “Débranche !” Le Retour de Fabiola est l’illustration parfaite de cette injonction : un film débranché.