« Caprice » voit l’auteur-acteur balloté entre deux jolies femmes. Des entrechats badins peu à peu cernés par une humeur chagrinée et prenante.
Aux cinéphiles, l’œuvre d’Emmanuel Mouret évoque immanquablement l’ombre portée du défunt Eric Rohmer, transformé en label apposé ici et là sur quelques cinéastes prolongateurs de son goût du hasard, du badinage amoureux, du romanesque léger. Parmi ces enfants rohmériens, Mouret a pour habitude de charger la mule : de film en film, il rejoue le schéma des Contes moraux où un homme aime une femme, en rencontre une autre, hésite pendant un temps, puis finit par retourner auprès de la première.
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Rebelote avec Caprice, où le hasard rohmérien s’installe encore en malicieux maître des destins. Il met Clément, instituteur parisien entre deux âges, sur le chemin de l’actrice de ses rêves (Virginie Efira), avec qui démarre une heureuse relation. Il y glisse une jeune étudiante (Anaïs Demoustier), éprise de Clément et complice de tous les entrechats du récit. Mouret, qui joue comme d’habitude le personnage central, laisse planer une odeur de fantasme : l’acteur-réalisateur semble s’amuser comme un enfant à faire tomber les femmes les plus désirables en pâmoison, comme touchées par un sortilège.
Tout défile comme du papier à musique
Le cadre est posé et rejoue la petite musique bien connue du conte d’amour naïf : une écriture des sentiments qui échange à l’envi la bonne fortune des uns contre la mauvaise des autres, et fait tout défiler comme du papier à musique, sous l’influence badine des petites infidélités, des quiproquos, des rencontres impromptues au coin de la rue. A ce jeu, chaque personnage chante dans le film une mélodie isolée, venant régulièrement se poser en contrepoint sur l’harmonie des deux ou trois autres : par les aigus quand elle provient d’Anaïs Demoustier, petite flûte sifflotant délicieusement tout au long du film ; par les graves quand elle provient de Virginie Efira, étonnamment à l’aise dans un rôle de diva à la tristesse contenue.
Il est donc avant tout question de musicalité, et c’est une musique sans point d’orgue, sans état d’équilibre. Là est la plus singulière qualité de Caprice : le climat d’abord familier et harmonieux, guidé par la fatalité, les évidences, est peu à peu gagné par une incertitude. Le film fait alors corps avec une sorte de contrariété des destins, un nœud dans le ventre qu’on croyait voir se démêler et qui au lieu de ça se relâche seulement. L’idée est couronnée par une très belle fin, à la fois heureuse et chagrinée, une fin qui n’est pas celle d’un conte ; puisque le film ne résiste plus à l’irrésolu mais l’emporte avec lui, comme un éternel compagnon de route.
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