Quinze ans après « Chicken Run », le studio Aardman réussit à nouveau une comédie animalière d’évasion loufoque et trépidante.
Célèbre pour son Wallace & Gromit, le studio britannique Aardman
a cru bon, ces dernières années, d’essayer de faire oublier au monde son ADN de bouseux, délaissant, d’un côté, sa traditionnelle animation en pâte
à modeler au profit d’images de synthèse (qui continuaient néanmoins d’en singer les gimmicks : le défilement mécanique de la stop motion, les sourires extralarges…) et de l’autre, son décor de prédilection, à savoir le monde rural. Un fantastique réservoir de machines, d’outils, de textures, dont tous les éléments semblent reliés par une même chaîne de poulies et d’engrenages, et qui accueillait l’activité favorite des premiers héros Aardman : fabriquer des pièges, bricoler des bécanes et des coucous
à partir de vieux bibelots du grenier.
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Avec Shaun le mouton, Aardman retourne à tout ça à la fois. D’abord à une animation artisanale qui n’a, semble-t-il, que des avantages : un monde généreusement texturé, qui prend l’eau, rouille, se découd, et coûte même beaucoup moins cher à produire (pourquoi, vraiment, être allé chercher des noises à Disney, on se le demande). La bande de Bristol avait déjà remis la main à la pâte – au sens propre – il y a deux ans avec Les Pirates !, et confirme ce beau retour aux sources. Dans sa foulée renaît ici un thème indémodable, délicieusement anarchique, qui avait déjà valu au studio son plus gros succès à ce jour : l’insurrection de basse-cour. Chicken Run, sous ses airs de comédie, avait poussé en 2000 ce genre jusqu’à une charge métaphorique dévastatrice (la Shoah dans le poulailler, tout bonnement).
Shaun le mouton, sans s’aventurer aussi loin, chauffe au même carburant. Mais ce que le film suscite de véritablement inédit dans les productions cinéma du studio, c’est cette joie intacte de voir l’animation s’affirmer comme le dernier foyer de résistance du cinéma muet, à travers un cinéma qui n’est en fait qu’onomatopéique. Shaun et sa bande parlent en images, en bruits et en objets, et traversent le monde comme un rébus ambulant, fulminant d’idées.
C’est Wallace & Gromit, la parole en moins, comme si celle-ci était déjà de trop pour les mascottes du studio. Avec un indéniable sens du rythme, ce sixième long métrage Aardman renoue enfin avec ce que le premier (Chicken Run, donc) avait eu l’air d’entamer, mais qui s’était étrangement dissipé entre-temps : une tempête burlesque en Play-Doh. Certainement pas un hasard si l’histoire y est celle d’une bande de moutons qui veut s’échapper de la ferme, et qui fera finalement tout pour y retourner.
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