Dans un Paris en décors stylisés à la manière de Resnais, un jeune peintre avance à pas feutrés dans le passé de sa grand-mère. Un bijou.
Tchekhov reprochait parfois à ses comédiens de redoubler par leur jeu la dépression de ses personnages. Il leur expliquait que les mélancoliques sont le plus souvent des gens joyeux dans leur vie quotidienne et que leur désespoir ne s’exprime que par instants. On pourrait ajouter que le mélodrame cinématographique n’a jamais été aussi réussi et pertinent que lorsqu’il est flamboyant (Minnelli, Sirk, Almodóvar). Les couleurs vives se marient bien avec le malheur. Parce qu’il est pudique et qu’elles le mettent en valeur.
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C’est manifestement le choix très heureux qu’a fait le malicieux et cinéphile Joseph Morder en choisissant de placer ses deux personnages dans des décors dessinés (soixante toiles peintes, photographiées, agrandies puis imprimées sur tissu) par l’artiste Juliette Schwartz – dans un genre de dispositif qui rappelle un peu celui du dernier film de Resnais, Aimer, boire et chanter. Ce décor semble refléter le paysage mental du personnage principal masculin.
Le film raconte l’histoire de Valentin (Andy Gillet, acteur révélé par Rohmer dans son dernier film, Les Amours d’Astrée et de Céladon), un jeune peintre un peu découragé. Il vit à Paris et est venu accueillir sa grand-mère (Alexandra Stewart) de retour de villégiature. Nina est une femme exubérante et drôle, qui semble avoir décidé de vivre dans un rêve très maîtrisé de grandeur. Le petit-fils et son aïeule vont se parler comme jamais auparavant de leur vie. Valentin confiera ses doutes, son homosexualité, et Nina lui racontera les camps de la mort et l’origine de son surnom, “la duchesse de Varsovie”.
Le parti pris esthétique de Morder est une réussite. Il parvient, à partir de la noirceur, à fabriquer du romanesque, qui aide à vivre ou survivre à la douleur, à l’insupportable et à l’inoubliable, et surtout du lien entre deux êtres qui s’aiment mais ne s’étaient jamais parlé avec sérieux. Il y a de la grâce dans la simplicité et la théâtralité bienheureuse de ce film frontal, qui parvient à nous attacher à deux êtres sensibles dans un décor d’opérette, et sans doute plus encore peut-être grâce à lui. Interprété de façon merveilleuse par deux acteurs formidables, au jeu intemporel, humble et déchirant, La Duchesse de Varsovie et ses jolis dialogues sont un petit bijou de cinéma.
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