Boursouflé et académique, dépourvu de toute analyse, The Cut de Fatih Akin n’est pas à la hauteur
de son sujet : le génocide Arméniens.
le sujet
Le génocide arménien vu à travers le destin d’un forgeron séparé de sa famille par les événements. Après de multiples épreuves et pérégrinations, le héros survit au génocide et alors que l’on croit sa famille exterminée, il finit par retrouver ses filles aux Etats-Unis des années après. Réalisé non sans un certain courage par Fatih Akin, Allemand d’origine turque, The Cut évoque l’ampleur d’un événement historique toujours nié à ce jour par la Turquie. Le film est dédié à Hrant Dink, journaliste arméno-turc assassiné en 2007 par un nationaliste turc.
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le souci
Lors de la présentation du film au festival de Venise, les spectateurs ont eu la surprise d’entendre les personnages arméniens parler… anglais. Une convention hollywoodienne de jadis qui passe moins bien aujourd’hui. Si cette erreur de langue a depuis été rectifiée, elle résume en tout cas le vrai problème du film : la crédibilité. On ne parle pas ici de véracité historique mais de crédibilité esthétique et dramaturgique. Dans The Cut, tout sonne aussi artificiel, prévisible et contrefait que dans un pudding hollywoodien des années 50, avec le héros qui survit à tous les dangers, le défilé des “scènes à faire”, les invraisemblances scénaristiques, la musique qui flèche inutilement les émotions… Fatih Akin privilégie le spectaculaire émotionnel sulpicien (insistance sur les sévices subis) à l’analyse historico-politique (rien sur la planification du génocide ou sur l’attitude de la communauté internationale). Les codes formels et narratifs acceptables il y a cinquante ans ne sont plus recevables dans un film contemporain.
le symptôme
Le sujet indiscutable et le courage de l’auteur (Fatih Akin a reçu des menaces de mort) seraient censés mettre The Cut à l’abri de toute critique. Or une œuvre ne saurait être réduite à son sujet : ce qui compte, c’est la qualité du regard porté sur ledit sujet. En 2010, la réalisatrice de La Rafle, Rose Bosch, soupçonnait ceux qui n’aimaient pas son film de sympathies nazies et d’antisémitisme, confondant son film avec l’événement historique lui-même. A cette aune stupide, ne pas louanger The Cut serait manquer de respect à la mémoire du peuple arménien. Foin de chantage au sujet : on peut admirer le courage intellectuel et politique de Fatih Akin, enrager devant l’incapacité de la Turquie à affronter les pages sombres de son histoire et estimer que The Cut est une baudruche académique. Sujet peu souvent traité au cinéma, le génocide arménien méritait mieux : l’Ararat d’Atom Egoyan, par exemple.
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