Un thriller claustrophobe et glacé, tout en rétention mais aux teintes toujours changeantes. Retour en forme d’Egoyan.
Il y a bien sûr quelque chose de l’affaire Natascha Kampusch dans l’histoire de cette fillette, enlevée puis séquestrée pendant huit ans par un mystérieux geôlier. L’action se déroule dans l’immensité neigeuse de l’Ontario. Deux couples, celui des parents (avec un Ryan Reynolds étonnamment épais) et celui des enquêteurs (Rosario Dawson en sourdine, et pourtant au sommet de son animalité), traquent encore la piste du kidnappeur de la petite Cassie.
“Huit ans après” : c’est dans ce point-virgule inévitable, posé peu après la séquence de l’enlèvement, que réside la belle arythmie décharnée de Captives. Un film d’enquête débarrassé de tout sentiment d’urgence, qui ne travaille que sur des personnages éreintés, morts vivants, s’accrochant sans trop d’espoir à une investigation de routine. Poser quelques avis de recherche, quadriller un quartier : chaque geste est ainsi lourd d’avoir été mille fois répété, tandis que deuil et enquête se fondent peu à peu dans le même engourdissement.
Bien sûr, Captives n’échappe pas non plus aux excès du genre “thriller congelé”. Le style est empreint de sophistication, un peu sévère, un peu chic, et son hygiène impeccable permet quelques facilités à Egoyan. Jamais le film, enrobé dans sa rétention, ne vient nous déferler dessus, libérer toutes ses perversions étouffées. Mais dans cette rétention, Captives, sans non plus rivaliser avec Chantal Akerman (La Captive, 2000), tire sa meilleure carte. En fait, il porte bien son nom (et notez l’accord au pluriel) : avec ses couples anéantis par huit ans d’échecs, le film d’Egoyan est surtout un casse-tête chinois où chacun est le séquestré d’un autre, où le revers de la captivité n’est jamais la liberté, mais le délaissement. Un thriller claustrophobe, certes, mais qui a l’idée de redessiner constamment les murs de sa cage.