Le fondateur d’Amazon – premier site de commerce en ligne de la planète – vient de s’offrir le « Washington Post » pour 250 millions de dollars, soit moins d’1% de sa fortune. Une success story à l’américaine.
Un crâne dégarni et l’œil illuminé. C’est la première image que l’on retient de cet homme de 49 ans qui possède un patrimoine supérieur à 25 milliiards de dollars (selon le dernier classement du magazine Forbes), a été l’homme de l’année du Time en 1999 et a fondé son empire sur le concept d’une librairie en ligne. Des signes distinctifs devenus aussi célèbres que les lunettes de Bill Gates, le col roulé noir de Steve Jobs ou le tee-shirt gris de Mark Zuckerberg. Le mythe peut commencer : celui d’un business man américain, 19e fortune mondiale, fou du net et futuriste, qui, après avoir fondé son empire sur le commerce en ligne au début des années 1990, vient de racheter pour une « miette de pain » le Washington Post, l’un des journaux les plus célèbres du monde.
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Un passage de témoin décisif pour le bijou de la famille Graham, propriétaire du Washington Post depuis presque un siècle. Dans une lettre aux employés du journal, Bezos prévient : “Internet transforme pratiquement chaque élément du métier de l’information (…). Nous allons devoir inventer, ce qui veut dire que nous allons expérimenter”. Repreneur plein aux as, il a tout de même assuré qu’il garderait l’équipe éditoriale en place, et qu’il respecterait les valeurs du Washington Post. Fondé en 1877, le quotidien devient le symbole du journalisme d’investigation quand le scandale du Watergate éclate sous les plumes de Bob Woodward et Carl Bernstein.
Au moment où Nixon – pulvérisé par l’affaire – démissionne en 1974, Jeffrey Preston Jorgensen a 10 ans. Sa mère s’est déjà remariée à Miguel Bezos, américain d’origine cubaine, embauché comme ingénieur chez Exxon. Tous les trois quittent Albuquerque – commune de naissance de Jeff – pour Houston, puis Miami. Jeff y bricole autant qu’il dévore les bouquins. Se passionne de sciences autant que d’informatique. Major de promo au lycée, il garde sa place aux premiers rangs de l’université de Princeton d’où il ressort en 1986, un bachelor en ingénierie informatique en poche. Engagé dès la fin de ses études à Wall Street, Bezos fréquente les plus grands établissements financiers tels que Bankers Trust puis le fond d’investissement D.E Shaw & Co dont il devient le plus jeune vice-président. Soucieux de grimper les échelons du succès, il décide ensuite de fonder sa propre entreprise en 1994.
Amazon.com, numéro 1 du commerce en ligne
C’est encore une fois dans un garage – haut lieu d’inspiration des plus grands geeks de l’histoire par lequel Hewlett, Packard, Gates, Jobs et Zuckerberg sont eux aussi passés – que mûrit l’idée d’un site de vente en ligne alors que la Cour suprême américaine vient d’annoncer que les commerçants en ligne échapperont à la taxe sur leurs ventes dans les Etats où ils ne sont pas physiquement présents. Jeff Bezos lance Amazon.com sous la forme d’une librairie en ligne. A peine un an plus tard, il vend son premier livre : Fluid concepts and Creative Analogies, de Douglas Hofstadter. Clin d’œil hasardeux aux premières passions de son fondateur ? On dit aussi que Bezos aurait listé les vingts produits qui pourraient se vendre sur Internet, livres compris avant de diversifier ses activités.
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Le « perturbateur-en-chef”, comme le surnomme Fortune, bouleverse l’industrie du livre avant de contrôler la majeure partie du commerce en ligne en ouvrant ses activités à l’alimentation, le mobilier, les fringues et la beauté. Il ne s’arrête pas là. Son autre projet ambitieux aura été de concurrencer l’iPad d’Apple avec son livre électronique Kindle, commercialisé dans le monde entier depuis 2009 et en passe de devenir le nouvel outil fétiche des lecteurs modernes. L’entrepreneur américain a également mis en place un projet touristique dans l’espace, baptisé Blue Origin. Et dans la presse, officiellement depuis lundi soir.
Conflit d’intérêts ?
« Le devoir du journal résidera toujours dans l’intérêt du lecteur et non dans celui de ses propriétaires. Nous continuerons de traquer la vérité où qu’elle nous mène, et nous travaillerons dur pour ne pas faire d’erreurs », écrit Jeff Bezos dans sa lettre aux salariés du Washington Post.
Mais au sein de la rédaction, les craintes de conflits d’intérêt émergent déjà, comme l’évoque Gawker tout en prudence. D’après le site qui cite lui-même Quartz, Amazon a récemment décroché un contrat de 600 millions de dollars afin de mettre en place un vaste système de « cloud computing » pour la CIA. L’agence du renseignement américain serait d’ailleurs à la recherche d’ingénieurs qui auront accès à des informations ultra confidentielles. « Jeff Bezos aura-t-il lui aussi accès à ces informations confidentielles ? », interroge Gawker. Ces dernières semaines, le Washington Post s’est fait remarquer, aux côtés du Guardian, pour son travail poussé sur l’affaire Edward Snowden et le système de surveillance électronique du renseignement américain. « Le Washington Post appartient désormais à un gros client de la CIA », souligne Gawker, avant de conclure : « A méditer. »
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